Comment survivre dans l'océan d'informations qui nous submergent, chaque jour davantage, depuis le début de ce confinement qui tient tout à la fois de la prise d'otage (par l'État), de la séquestration et de la réclusion (en famille) ? Nous voilà assignés à résidence, pour une durée indéterminée, pour des motifs obscurs et contradictoires. Quel crime avons-nous donc commis ?
J'aurais tant aimé croire à la fable chinoise du pangolin et de la chauve-souris, digne de La Fontaine, dont les amours coupables seraient à l'origine du satané virus qui nous oblige à restés confinés ! Hélas, en même temps que la fable chinoise, une contre-fable a surgi, dans les états majors des grandes puissances (USA, France, Angleterre), pour couper court à la première affabulation : selon le Pr Luc Montagnier, Prix Nobel de médecine en 2008 pour sa participation à la découverte du virus du Sida (quand même!), au départ de la pandémie il y aurait eu « une manipulation sur ce virus initialement présent chez la chauve-souris, mais auquel on a ajouté par dessus des séquences du VIH. Ce n’est pas naturel, c’est un travail de professionnel, de biologiste moléculaire, d’horloger des séquences. Dans quel but ? Je ne sais pas (…). Une de mes hypothèses est qu’ils ont voulu faire un vaccin contre le Sida. »
Mince alors ! L'histoire du marché aux poissons de Wuhan est une belle légende, mais elle est fausse…
Rassurez-vous, l'histoire n'est pas finie (avec le déluge d'informations qui est notre quotidien aujourd'hui, elle n'est jamais finie!).
À peine le professeur Montagnier avait-il quitté son estrade qu'une multitude de contradicteurs, armés de scuds surpuissants, l'ont abattu en plein vol !
Exemple : « La conclusion de ces recherches n’a pas de sens » déclare à l’AFP le virologue Etienne Simon-Lorière de l’Institut Pasteur à Paris. Pour lui, ces séquences « sont de tout petits éléments que l’on retrouve dans d’autres virus de la même famille, d’autres coronavirus dans la nature. Ce sont des morceaux du génome qui ressemblent en fait à plein de séquences dans le matériel génétique de bactéries, de virus et de plantes. »
Et il ajoute, pour les poètes et les littérateurs, cette phrase qui donne à réfléchir : « Si on prend un mot dans un livre et que ce mot ressemble à celui d’un autre livre, peut-on dire que l’un a copié sur l’autre ? »
Pour ma part, je n'ai jamais douté que les écrivains — sans distinction de genre, d'âge, de couleur ou d'origine — se soient toujours copiés les uns les autres, ne serait-ce qu'en se servant de la langue commune !
Une pluie de scuds a déferlé sur le pauvre Luc Montagnier, accusé de tous les maux (incompétence, sottise, démence sénile, etc.).
Quelle est la conclusion de cette plaisante et triste affaire ?
1) Que la « communauté scientifique », si elle existe, ne parle jamais d'une seule et même voix. En sciences comme ailleurs, la vérité est fragile, complexe, contradictoire. Et donne toujours matière à polémique. Ce qui permet de mettre en doute, ne serait-ce qu'un instant, le discours des « experts » que l'on voit défiler sur les plateaux de télévision et qui n'expriment, en définitive, qu'une voix parmi d'autres.
2) L'information — la vraie comme le fausse, car dans cette nouvelle dynamique, pour le meilleur comme pour le pire, l'une ne vaut pas mieux que l'autre — est devenue volatile : elle ne dure qu'un instant. C'est une fleur éphémère qui ne fleurit qu'un jour. Il est donc difficile, sinon impossible, de bâtir quelque chose sur cette vérité volatile, puisqu'elle est aussitôt contredite et annulée par la vérité qui vient de sortir.
Une fois encore, c'est au lecteur de faire son choix — ou son marché. Et, comme disait Lautréamont, on espère que le lecteur est sagace et bien réveillé !
Ce sera tout pour aujourd'hui. Pour vivre cachés, vivons heureux ! Je retourne aux lilas et aux genêts de mon jardin dont je ne veux pas manquer l'extraordinaire floraison.