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  • La défaite de l'Europe

    Unknown.jpegCertains esprits chagrins, bobos de gauche et de droite, qui aiment à se faire flageller, applaudiront à la décision européenne de suspendre, du moins provisoirement, les programmes d’échange Erasmus et Horizon 2020. Ils verront dans cette sanction une punition bien méritée pour ces Suisses arrogants qui osent défier l'autorité, eux qui aiment tant le fouet.

    Pourtant, ils auront tort. Non seulement cette sanction est aveugle, mais encore parfaitement stupide.

    Aveugle, en premier lieu, parce qu’elle frappe la jeunesse, et d’abord celle qui s’est mobilisée contre l’IN de l’UDC. Drôle de façon de remercier ses partisans et ceux-là même qui représentent l’avenir de l’Europe, si elle en a un !

    Stupide, ensuite, parce que cette sanction touchera les cantons universitaires qui, tous, ont refusé l’IN ! Les autres cantons, ces méchants Suisses xénophobes et ignares, n'y verront que du feu !

    Allez trouver une logique à tout cela…

    images.jpegDouble sanction, donc, parfaitement injustifiable, mais qui s’explique, on le comprend, par l’embarras des dirigeants européens, obligés de punir un dangereux dissident, et qui s'agitent, à l’aveuglette, comme pour éloigner le mauvais sort. Un même vote, dans leur pays, aurait produit les mêmes résultats — en pire, bien sûr. Ce qu’ils ne veulent surtout pas voir…

    En l’occurrence, la grande Europe a perdu une belle occasion de retourner une opinion publique (légèrement) défavorable en sa faveur !

  • Vie de château à Sigmaringen

    images.jpegSigmaringen ! Pour les Allemands, c’est le château des ducs de Hohenzollern, l’une des plus prestigieuses familles allemandes. Pour les Français, ce nom rappelle un épisode cruel de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale : c’est à Sigmaringen, en effet, dans le château sublime des Hohenzollern, que le gouvernement de Vichy, en septembre 1944, obligé de quitter la France, trouve un refuge provisoire…

    Cet épisode pathétique a déjà donné lieu à un célèbre roman de Louis Ferdinand Céline, D’un château l’autre*, magnifique description de l’atmosphère « fin de monde » de Sigmaringen dont Céline a été non seulement le témoin ironique, mais aussi un acteur important en tant que médecins (il y avait deux médecins français pour près de 1000 fuyards : le docteur Ménestrel et le docteur Destouches, alias Céline). DownloadedFile.jpegIl faut lire ou relire ce roman qui mêle souvenirs personnels, portraits au vitriol et divagations sur les orgies des soldats, les maladies, la défaite programmée des Allemands, les promenades avec le maréchal Pétain, etc.


    images-1.jpegAujourd’hui, c’est Pierre Assouline, grand reporter, biographe et bloggeur, qui revisite ce château de légende dans son roman, Sigmaringen**. L’angle de vue est intéressant : c’est le majordome des Hohenzollern (obligés par les nazis de quitter le château) qui prend en compte le récit avec l’œil, pas tout à fait neutre, car francophile, d’un observateur étranger.

    On revit ainsi les angoisses des hôtes fameux du château : Pierre Laval, Fernand de Brinon, Déat, les autres ministres de Vichy, les miliciens collaborationnistes, les rédacteurs de Je suis partout, etc. Tout ce beau monde essaie de se tenir au courant de ce qui se passe en France et attend avec effroi l’arrivée des troupes alliées. En essayant, tout de même, de tuer le temps comme ils peuvent. Promenades, discussions, petites scènes de trahison ou lâchetés ordinaires : Assouline restitue parfaitement l’atmosphère de ce château hanté digne du Château de Kafka.

    On connaît la fin de l’histoire : tous les hôtes fameux de Sigmaringen (ou presque tous) ont été jugés et condamnés à mort pour trahison après la guerre. La plupart ont été exécutés. Le château n’est qu’une escale vers la mort. Et tout ce joli monde, politiciens, miliciens, journalistes, collabos, le pressentait déjà…

    * Louis Ferdinand Céline, D'un château l'autre, Folio.

     ** Pierre Assouline, Sigmaringen, roman, Gallimard, 2014.

     

  • L'amour est un crime parfait

    images-1.jpegDisons-le : j'avais quelques appréhensions à aller voir le dernier film des frères Larrieu, intitulé L'Amour est un crime parfait, et adapté d'un roman de Philippe Djian, collègue du Prix Interallié. Les précédentes réalisations des deux frères, dont Peindre ou faire l'amour, ne m'avaient pas convaincu…

    Mais là, surprise, dans ce psychodrame aux allures hitchcockienne, tout se tient, et plutôt bien ! 

    Le scénario, d'abord, malgré quelques invraisemblances, est tiré au cordeau. Tendu, précis, tranchant. Les frères Larrieu ont conservé l'aspect très littéraire du personnage principal (professeur de Creative Writing à l'EPFL, poste qui n'existe pas, hélas!), et ils ont eu raison. Mathieu Amalric est d'ailleurs excellent en prof névrosé et sans doute psychopathe (mais le doute est permis). Karin Viard est fidèle à elle-même, c'est-à-dire très bonne. 21058950_20131119120940918.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx.jpgComme la singulière Maïwenn et le toujours parfait Denis Podalydès. Sans oublier la provocante Sara Forestier et la bombe Marion Duval. Côté casting, donc, comme du côté dialogues et scénario, une réussite.

    Je ne raconterai  pas l'intrigue de ce film singulier, qui rappelle pourtant certains livres de David Lodge, d'Alison Lurie ou de Philip Roth, parce qu'il se passe dans un campus universitaire, dont l'obsession n'est pas la connaissance, mais plutôt la séduction (entre autres sexuelle). Mais il faut aller le voir…

    Le coup de génie, à mon sens, de ce film très bien fait, c'est d'avoir choisi comme décor le fameux Learning Center de l'EPFL ! Quels espaces ! Et quelle lumière ! Cela donne un côté futuriste, extrêmement théâtral, au film des frères Larrieu, qui joue sur les ambiguïtés, les transparences, les faux-fuyants. Dommage qu'aucun cinéaste suisse n'y ait pensé auparavant !