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  • Un Été de trop

    « Le monde va mal, mais je vais bien ! » aimait à lancer un éditeur serbe qui nous manque beaucoup. On pourrait dire la même chose de la littérature romande d’aujourd’hui. Sans doute n’est-ce pas sans relation : les écrivains se nourrissent des angoisses et des peines de l’époque. Ils la passent au scanner. Ils en donnent la radiographie la plus précise qui soit dans leurs livres.

    DownloadedFile-1.jpegL’année dernière, l’écrivain genevois Joël Dicker (27 ans) est devenu, grâce à La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, un phénomène sociologique. En Suisse, bien sûr, mais aussi dans le monde entier, où il a vendu plus de livres que Ramuz, Chappaz, Chessex et Bouvier réunis ! Mais il n’est pas le seul. Une foule de jeunes talents se pressent au portillon. images.jpegLe Valais en dénombre plusieurs : Marie-Christine Buffat, à la plume drôle et acide, Bastien Fournier (32 ans), romancier et écrivain de théâtre, Alain Bagnoud…

    Isabelle Falconnier, directrice du Salon du Livre de Genève, a eu l’excellente idée de réunir cinq jeunes écrivains de Suisse romande et cinq écrivains confirmés, les seconds ayant pour mission de « parrainer » les jeunes pousses. Avec Anne Cunéo, Jean-Louis Kuffer, Daniel de Roulet et Amélie Plume, j’ai eu la chance de participer à cette passionnante expérience. Rencontres, discussions, correspondance : ce « parrainage » m’aura permis de mieux connaître une jeune écrivaine d’origine jurassienne, Isabelle Æschlimann-Pétignat (33 ans), dont le premier roman, Un Été de trop**, est un livre tout à fait épatant.

    DownloadedFile.jpegNourri d’expériences personnelles, ce roman vif et intense entraîne le lecteur de la Suisse à Berlin où deux expatriés, Émilie et Markus, qui se sont connus bien des années auparavant, vont finir par se retrouver. L’une a quitté sa vie trop bien rangée et l’autre, qui a gagné un concours d’architecture, a laissé femme et enfants derrière lui. Cet exil, tout d’abord douloureux, a le parfum d’une liberté nouvelle. En découvrant Berlin, son énergie, sa joie de vivre, Markus et Émilie vont se réinventer au gré des promenades, des soirées arrosées, des jeux de séduction qui remettront en cause leurs certitudes les plus solides. Le roman, mené sur un rythme alerte, se lit comme un jeu de pistes excitant et surprenant. Isabelle Æschlimann-Pétignat brosse une série de personnages ardents et hauts en couleur, dont la belle Francesca, moderne femme couguar, qui va entraîner le livre vers une fin inattendue. Roman de l’empreinte amoureuse, Un Été de trop a un parfum de nostalgie : l’homme et la femme cherchant à retrouver, dans le présent, la fraîcheur des premiers gestes, la puissance d’un regard oublié et la fougue du baiser échangé autrefois.

    Un Été de trop est le premier roman d’Isabelle Æschlimann-Pétignat. Nul doute que d’autres suivront, qui surprendront à leur tour les lecteurs par leur verve et leur imagination. C’est tout le mal qu’un « parrain » peut souhaiter à sa filleule littéraire.

    * Joël Dicker, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, de Fallois-l’Âge d’Homme, 2012.

    ** Isabelle Æschlimann-Pétignat, Un Été de trop, édition Plaisir de Lire, 2012.

  • Le cinéma suisse et la méthode Coué

    DownloadedFile-1.jpegOr donc, le gratin du cinéma suisse, ses huiles et ses mécènes, se sont réunis samedi soir à Genève pour remettre leurs traditionnelles récompenses, les quartz, équivalents modestes des Oscars et autres Césars. La cérémonie, une fois encore, a davantage tenu de l'autocélébration que de la reconnaissance d'un large public.

    Combien de chefs-d'œuvres impérissables le cinéma suisse a-t-il produits l'année dernière ?

    Ne levez pas tous la main à la fois !

    Les bons films, cette année encore, auront été des documentaires : More than Honey de Markus Imhof, sur la disparition programmée des abeilles, et Hiver nomade, le premier long-métrage de Manuel von Strürler, dont la presse française a dit le plus grand bien (voir ici).

    À part cela, rien, ou presque. DownloadedFile.jpegEn l'absence de Jean-Stéphane Bron, Frédéric Mermoud (on avait adoré Complices) ou encore Jacob Berger, les jurés se sont rabattus sur L'Enfant d'en haut de Ursula Meier, fiction au scénario inconsistant et aux dialogues ineptes. Faute de mieux, semble-t-il. Le souffle manque, cette année, aux fictions inspirées du réel ou nourries par l'imaginaire d'un cinéaste habité.

    Samedi soir, au BFM, le cinéma suisse s'est rassuré. Alain Berset a même twitté toute la soirée. Plus d'un million de bises ont été échangées. Tout le monde est reparti content.

    Ce n'est pas rassurant.


  • Le temps des Pères est révolu

    images-2.jpegL’Italie vit des jours difficiles : le Saint Père est parti en vacances et son premier Ministre, le trop sérieux Mario Monti, a perdu les élections. Plus personne à la barre ! Est-ce un signe que les Pères, en Italie comme ailleurs, ont perdu la partie ? Qu’ils ne sont plus à même de diriger un pays — fût-il le plus petit du monde ? Ou est-ce un simple accident de l’Histoire ?

     Dans le cas du Saint Siège, hélas, rien ne risque de changer. Les rouages millénaires de l’élection d’un nouveau Pape sont bien rodés. Délibérations à huis clos. Vote à bulletins secrets. Le système est verrouillé de l’intérieur. Comme l’organisation ancestrale de l’Église, patriarcale et dogmatique, qui exclut des conclaves la moitié féminine de l’humanité et sait tuer dans l’œuf toutes les réformes, et étouffer tous les scandales. On se croirait au Moyen Âge. À l’heure où le sida ravage une partie de l’Afrique, on disserte doctement pour savoir si l’on a droit, ou non, d’utiliser des préservatifs. On institue des tribunaux pour savoir si les femmes ont une âme, ou non…

    Quant au monde politique, il a pris une claque comme peu de politiciens en ont reçue. Mario Monti, ancien premier ministre de la rigueur, a récolté moins de 10% des voix. Autant dire qu’il peut retourner à ses comptes d’épicier. L’Italie ne veut plus de lui. images-4.jpegL’ancien bellâtre Silvio Berlusconi — surnommé Papi par ses jeunes conquêtes féminines — revient sur le devant de la scène. Il incarne la politique spectacle qui plaît tant aux habitants de la Péninsule : la trilogie football-télévision-velline en négligés transparents. Mais, là encore, il ne fait plus l’unanimité. Les Italiens sont fatigués de ce vieux système politique reposant, pour l’essentiel, sur les alliances d’intérêt, la corruption, les affaires louches entre banques et coopératives, etc.

     Aujourd’hui, l’Italie est orpheline. Elle se cherche un nouveau Père. Est-ce la fin d’un monde ou une simple péripétie ?

    images-1.jpegUn nouveau Père se profile à l’horizon. Il s’appelle Beppe Grillo. Il a les cheveux blancs et crépus. Un grand sens de la dérision et le verbe haut (même si le mot vaffanculo revient souvent dans son vocabulaire !). Son parti, sur lequel personne n’aurait misé un centime d’euro, est aujourd’hui majoritaire. Il pourrait même être le nouveau chef du gouvernement, si les statuts de son parti ne le lui interdisaient (Grillo a été condamné naguère à la suite d’un accident de voiture, ce qui l’empêche de briguer ce poste). Son programme est éloquent : loi anticorruption, revenu minimum, référendum sur l’Euro, élection directe des candidats à la chambre des députés, loi sur les conflits d’intérêt, accès gratuit à l’Internet, etc.

    Une vraie révolution !

    Le temps des Pères est-il révolu ? Peut-être pas.

    Mais je rêve qu’un matin de printemps, une fumée blanche s’échappe des cheminées du Vatican et qu’un antique cardinal annonce d’une voix docte et joyeuse : Habemus Mamam !