Il m'arrive de fréquenter des écrivains ; certains, toujours les mêmes, bien introduits dans les sphères officielles, écument, à Berne ou à Zürich, les coquetèles et les mondanités ; d'autres, de loin les plus nombreux, essaient d'écrire des livres et, lorsqu'ils y parviennent, se lancent dans l'interminable course d'obstacles de la demande de subventions. Il faut rédiger des dossiers en 3, 4, voire 5 exemplaires, demander des devis, évaluer les ventes possibles, etc. Toutes ces démarches prennent généralement deux fois plus de temps que pour écrire un livre. Et, au final, l'auteur récolte, avec un peu de chance, 1000 à 2000 Frs d'aide à la publication. Il n'en verra bien sûr pas le moindre centime, puisque ce subside ira directement à son éditeur…
Mais les temps vont changer, peut-être, depuis que Berne, après avoir gardé un silence farouche, a décidé de venir en aide à la principale banque de Suisse, pleurant misère et obligée, à son tour, de faire la manche, sinon le trottoir.
Bonne nouvelle pour tous ceux qui ont de la peine à boucler leurs fins de mois ! Bonne nouvelle, aussi, pour tous les artistes quémandant, ici ou là, quelques centaines de francs pour survivre ou poursuivre un travail obstiné (et plus nécessaire que jamais) !
Car enfin, si le Conseil fédéral trouve en une soirée quelques dizaines de millions, euh, pardon, de MILLIARDS pour aider une pauvre banque tombée soudain dans la misère, il trouvera sans problème quelques — soyons fous! — dizaines de millions non pas pour faire œuvre philanthropique, mais pour aider, stimuler, encourager la création artistique, qui constitue la vraie richesse de ce pays! Oui, soyons fous, rêvons à ce que serait un pays — la Suisse, par exemple — si le centième, voire le millième de l'argent gaspillé par les banques (UBS en tête) dans la débâcle américaine avait été investi à bon escient dans la création !
C'est-à-dire dans le présent et l'avenir.