Pour les Genevois provinciaux que nous sommes, la mort de Maurice Béjart — théâtralisée et médiatisée à outrance — a quelque chose de fascinant. Comment et pourquoi une star internationale de la danse comme Béjart a-t-elle choisi de s'installer à Lausanne (qui n'est, comme on pense à Genève, qu'un gros bourg de campagne) pour y créer ses nouveaux spectacles, y ouvrir une école de danse, bref : faire profiter toute une région de son talent et de son aura?
La réponse en est simple. Elle tient aux personnalités politiques qui dirigeaient Lausanne dans les années 80. A savoir, le syndic (traduction: le maire de la ville) Paul-André Martin, radical éclairé et cultivé, et Yvette Jaggi, municipale de la culture. Aidés par Philippe Brunschweig, ces deux personnalités ont réussi l'impossible: décider le grand chorégraphe belge de venir s'installer à Lausanne! Lui donner les moyens de poursuivre son travail. Former, grâce à lui, plusieurs générations de jeunes danseurs qui essaimeront dans le monde entier.
Le même talent politique (car il s'agit bien d'un talent) a été confirmé lors de la venue, à Lausanne, du metteur en scène René Gonzalez qui a pris, comme on sait, la direction du Théâtre de Vidy. Lequel a éclipsé (c'est un euphémisme) par sa programmation, sa richesse, son intelligence, tous les autres théâtres romands. Y compris, bien sûr, les théâtres genevois qui, dès lors, à l'instar de la Comédie, sont condamnés à évoluer en seconde division…
Pourquoi Lausanne, donc, et pas Genève, me direz-vous?
Parce que Genève cultive, depuis les tristes années Vaissade, le goût de la médiocrité? Parce que le Culture, à Genève, n'intéresse personne au plus haut niveau politique ? Sans doute. Parce que Genève, engoncée dans ses petits calculs électoraux, est incapable de grands projets? Encore vrai.
Le fait est que depuis plusieurs années, Lausanne est devenue — tant au niveau du théâtre que de la danse, sans parler bien sûr des Beaux-Arts, ni de l'édition — la capitale de la Suisse romande, reléguant Genève sur un modeste strapontin.
Constat amer pour une ville qui étouffe sous le luxe — mais manque cruellement d'ambition et de désir.