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l'enfant aux étoiles

  • Julien Sansonnens, Prix Édouard-Rod 2019

    Le samedi 14 septembre, à 11 heures, à la Fondation de l'Estrée, à Ropraz, on fêtera les vingt-trois ans du Prix Édouard-Rod. Ce Prix littéraire — un des rares et des plus importants en Suisse romande — a été fondé en 1996 par Jacques Chessex. Il vise à promouvoir le travail d’écrivains de qualité. Il peut récompenser soit une écriture neuve et inventive, à travers une première œuvre forte, soit une œuvre déjà confirmée, mais de haute exigence.

    images-1.jpegCette année, le Prix Rod récompense un roman de Julien Sansonnens (né en 1979), L'Enfant aux étoiles (éditions de l'Aire). Inspiré par le tristement célèbre massacre de l'Ordre du Temple Solaire, ce roman est une enquête minutieuse et sans compromis sur cet épisode toujours énigmatique de notre histoire. Avec finesse et précision, Sansonnens sonde l'âme des victimes de cette sombre affaire (en particulier « l'enfant cosmique », fille de Jo di Mambro, assassinée à Salvan) qui défraya la chronique en 1994 et 1995 (voir ici l'émission Zone d'ombre de la RTS consacrée à l'OTS).

    A l'Estrée, à Ropraz VD), les festivités commenceront à 11 heures.

    L'entrée est libre.

    Venez nombreux !

  • Une vie d'enfant cosmique (Julien Sansonnens)

    Pourquoi revenir, vingt-quatre ans plus tard, sur le drame de l'OTS (le fameux Ordre du Temple Solaire) qui a provoqué 69 victimes, fait couler beaucoup d'encre et produit tant d'articles à sensation et de livres ? Que peut-on dire de plus sur cette affaire que l'on ne sache déjà ? Comme il existe un droit légitime à la Justice, n'existe-t-il pas, également, un droit à l'oubli ?

    Unknown-1.jpegToutes ces questions, et bien d'autres encore, sont au cœur du dernier livre de Julien Sansonnens (né en 1969 à Neuchâtel), l'un des écrivains les plus prometteurs de Suisse romande. J'ai parlé ici des Ordres de grandeur*, un roman ambitieux qui nouait son intrigue dans les milieux politiques et médiatiques de Genève. J'ai parlé, également, de l'étonnant petit livre que Sansonnens a consacré à son chien Beluga (voir ici), hommage émouvant, à la fois, et réflexion sur une vie trop brève et entièrement dévouée à ses maîtres.

    images-3.jpegC'est avec un peu d'appréhension et beaucoup de curiosité que j'ai ouvert cet Enfant aux étoiles**, le troisième roman de Julien Sansonnens. Appréhension parce que tout a été dit, ou presque, sur les massacres de l'OTS (qui ont eu lieu, je le rappelle, au Québec, à Cheiry, à Salvan et dans le Vercors). Quel angle adopter (quelle astuce narrative) pour montrer un nouveau point de vue ? Et de la curiosité aussi, car l'affaire, malgré le temps qui passe, garde encore ses mystères.

    C'est par ce biais, précisément, que Sansonnens aborde ce drame qui nous touche de si près (les 3/4 des victimes étaient suisses romandes et j'en ai connu quelques-unes). D'emblée, après une enquête minutieuse, il cherche éclairer les zones d'ombre, il décrypte les non-dits, il se rend à Cheiry et à Salvan pour s'imprégner de l'atmosphère particulière des lieux (où presque toute trace des massacres a été effacée). images-2.jpegEt surtout il suit le destin d'une enfant, Emmanuelle, l'enfant cosmique, appelée à « sauver l'humanité », qui succombera avec les autres membres de l'OTS, en octobre 1994 (sur la photo, avec son « père biologique » Jo di Mambro).

    L'angle d'attaque est à la fois original et bouleversant (comment ne pas être touché par le destin de cette jeune fille élevée comme la fille de Dieu et sacrifiée à l'âge de 12 ans ?) Sansonnens revisite toute l'affaire, en détective maniaque et acharné, par empathie. Il ne juge jamais, ne traite jamais les membres de cette secte d'« illuminés » ou de « fous », mais essaie de comprendre leurs motivations. C'est sa force : articuler aussi précisément que possible la chaîne des causes et des effets. Ne jamais sacrifier aux poncifs, ni aux idées reçues (et Dieu sait si cette affaire en recèle). Les portraits qu'il trace des deux « gourous » (Luc Jouret et Jo di Mambro) sont saisissants de vérité et d'humanité. Comme le sont les portraits des nombreuses femmes qui gravitent auteur de ces deux « maîtres » (dont Élisabeth, la mère de l'« enfant cosmique », que ses parents ont confiée à di Mambro après une déception sentimentale, et qui se révèlera plus sévère et plus impitoyable que le Maître).

    images-1.jpegBref, tout sonne juste dans ce livre qui n'est pas un roman, ni un essai, mais une sorte de reportage extraordinairement prenant sur une affaire qui trouble encore nos consciences. Qui était di Mambro ? Un beau parleur ? Un escroc ? Un manipulateur diabolique ? Un fou ? Et Jouret ? Et Tabachnik (qui fut mon professeur de musique au Cycle de Budé) ? Et les adeptes de l'OTS sont-ils tous des illuminés ? Des êtres en quête de justice et de spiritualité ? Des parents inconscients qui ont entraîné leurs enfants dans la mort ?

    Toutes ces questions, Sansonnens les pose à sa manière, empathique et honnête. Il ne triche pas. Il ne cherche ni à embellir les faits, ni à sauver celles et ceux qui mériteraient de l'être. On ne peut que saluer cette justesse d'écriture, si rare aujourd'hui. Une grande réussite !

    * Julien Sansonnens, Les Ordres de grandeur, roman, l'Aire, 2016.

    ** Julien Sansonnens, L'enfant aux étoiles, éditions de l'Aire, 2018.