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fiction

  • La télé de papa

    images.jpegDes lecteurs me reprochent ma sévérité excessive au sujet de la nouvelle série produite et réalisée par la TSR, Petits déballages entre amis (voir ici). Quoi? Pour une fois que notre télévision se lance dans quelque chose de nouveau… Pour une fois qu'elle offre aux comédiens romands une occasion de montrer leur talent, eh bien vous, vous les flinguez sans sommation!
    Précisons alors notre pensée.
    Tout le monde le sait : depuis qu'elle est dirigée par un pur gestionnaire (Gilles Marchand), la TSR, obsédée par ses « parts de marché », a abandonné aux autres chaînes toute ambition culturelle, toute émission sportive digne de ce nom (il suffit de lire l'édifiant ouvrage que Bertrand Duboux vient de publier aux éditions Slatkine*) et, enfin, toute forme de fiction originale.
    Mais alors, ces Petits déballages, n'est-ce pas une fiction créée par la TSR?
    Bien sûr que oui. Sur ce point, nous applaudissons des deux mains. C'est en produisant de telles séries que la TSR remplit sa mission de service public — ce qu'elle ne fait pas souvent…
    C'est ailleurs que le bât blesse. Dans la conception de la série, son scénario, ses dialogues, sa réalisation, tous pareillement bâclés ou empreints d'amateurisme. À qui doit-on le concept de la série, ses dialogues inoubliables, son scénario en acier trempé ? À deux vieux de la vieille : Gérard Mermet et Alain Monnet (qui se cachent sous les pseudonymes d'Alain Bolet et Gérard Mérou). Auteurs, entre autres, des Pique-Meurons, feuilleton familial sympathique qui embauchait une ancienne miss Suisse et une future terroriste écolo… Mais passons. On comprend mieux alors pourquoi le bât blesse: au lieu de faire appel à de nouveaux talents, à de nouvelles idées, la TSR se rabat sur les vieilles recettes (qui ne font plus recette). On nous sert une série qui sent le réchauffé, patauge dans les clichés nauséabonds (« Michel est pédé? Non! Pas possible… »), multiplie les incohérences. Autrement dit : ces Petits déballages (au niveau de la conception et de la réalisation) relèvent de la télé de papa. Des dialogues sans queue ni tête, une réalisation à l'emporte-pièce. Une conception complètement dépassée de la série télé, comme si ses auteurs ne regardaient jamais les autres chaînes…
    On savait que la TSR ressemblait à un vieux cargo soviétique enlisé dans les sables de la Baltique : cette nouvelle série, hélas, le prouve encore une fois.
    Mais répétons-le: embarqués dans cette galère, les comédiens n'y peuvent rien. Quand on leur laisse exprimer leur talent, ils excellent. Le problème, c'est qu'ils en ont rarement l'occasion. Qu'une comédienne aussi lumieuse que Barbara Tobola soit ainsi réduite à un rôle de « prof coincée » est déplorable, comme est déplorable le rôle d'inspecteur joué par Philippe Matthey (qui traîne son spleen) et celui de dentiste bi joué par Marc Money-Doney qui enfile les clichés…
    Encore un effort, chère TSR! Plutôt que de servir une énième resucée des vieux feuilletons éculés, essayez l'invention, l'originalité, la jeunesse! Faites confiance aux nouveaux talents. N'ayez pas peur de nous surprendre…
    *Chroniques d'un insoumis, Éditions Slatkine, 2008, 128 p.