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belgique

  • Patrick Roegiers fait son cinéma

    images-2.jpegPatrick Roegiers est un Huron, un Apache — et sans doute le dernier des Mohicans. En un mot : il est belge. Dans le paysage littéraire français d'aujourd'hui, à la fois pauvre et conventionnel, ses romans étonnent et détonnent, car ils ne ressemblent à rien. Ou plutôt : ils sont si originaux, si drôles, si pleins de verve et de surprises, qu'ils ne peuvent avoir été écrits que par un Belge établi à Paris, qui fut d'abord comédien, puis lecteur, puis journaliste (passionné par la photographie), puis auteur de théâtre, puis polémiste, etc.

    La Belgique, patrie à la fois adorée et abhorrée, Roegiers lui a consacré déjà plusieurs livres, qui font autorité (dont un excellent « Découvertes » chez Gallimard). En 2012, il a chanté, à sa manière baroque et satirique,images.jpeg le Bonheur des Belges* (voir notre compte-rendu ici). Dans cette épopée lyrique, Roegiers revisitait l'histoire de son pays avec son humour et ses connaissances encyclopédiques.

    Tout porte à croire qu'il n'en a pas fini avec sa mère-patrie. Même établi à Paris, et possédant depuis peu le passeport français, Roegiers aime à fréquenter ses compatriotes (surtout s'ils sont morts). Chacun de ses livres met en scène une rencontre imprévue, improbable peut-être, mais chaleureuse et significative. Le plus souvent entre deux créateurs. Mais aussi entre des personnages que tout sépare. Dans son dernier opus, Le roi, Donald Duck et les vacances du dessinateur**, il imagine la rencontre, sur les bords du Léman, entre un roi en exil, Léopold III de Belgique, et un dessinateur célèbre en dépression (Georges Rémi, plus connu sous le nom d'Hergé). Nous sommes en juillet 1948. La guerre vient de se terminer. Léopold mène une vie princière en Suisse, entre golf et tennis, lac et montagnes. Il a perdu sa première femme, la mythique reine Astrid, dans un accident de voiture au bord du lac des Quatre-Cantons, et attend que la Belgique le rappelle. Hergé, quant à lui, a connu ses premiers succès avec Tintin, le célèbre reporter en pantalons de golf, mais doute toujours des hommes et de son talent. Ils vont se fréquenter pendant un mois, mieux se connaître et s'apprécier. Une véritable amitié naîtra entre les deux Belges en vacances (et en exil).

    images-1.jpegDans chacun de ses livres, Roegiers, grand cinéphile, tourne également un film. Nos deux lascars sont les protagonistes d'un long métrage où ils jouent leur propre personnage et qui se tourne à mesure que le roman s'écrit. C'est l'occasion, pour l'auteur, d'inviter sur le plateau tout le gratin d'Hollywood, de Mae West à Ava Garner, de Charlie Chaplin à Laurel et Hardy, de Humphrey Bogart à Marlene Dietrich, avec chaque fois des anecdotes croustillantes ou des révélations surprenantes. Chacun tient un rôle dans le film qui se tourne au bord du Léman. Ce film n'est pas tragique, ni même comique : il s'agit plutôt de la naissance d'une amitié entre deux hommes qui portent en eux tout un peuple de fantômes.

    Quand Patrick Roegiers fait son cinéma, le lecteur applaudit et jubile devant tant d'imagination et de virtuosité verbale. 

    * Patrick Roegiers, Le Bonheur des Belges, Grasset, 2012.

    ** Patrick Roegiers, Le roi, Donald Duck et les vacances du dessinateur, Grasset, 2018.

  • Qui sont les vrais minables ?

    images-3.jpegEn traitant Gérard Depardieu de « minable », le premier ministre français Jean-Marc Ayrault, relayé par sa collègue ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, n'a pas seulement commis une erreur, mais une faute. En insultant Gégé, le sinistre Ayrault ne s'en prend pas à n'importe qui : il essaie de salir le plus grand comédien français contemporain (170 films tournés, d'Audiard à Duras, de Godard à Berri, de Bertolucci à Kassovitz) en le désignant à la vindicte populaire, parce qu'il a décidé de s'installer en Belgique. Heureusement que le grand Gégé n'est pas allé se loger en Allemagne : on l'aurait traité de collabo !

    L'erreur d'Ayrault, c'est qu'insultant un artiste hors du commun, il attaque la France au cœur. Aux tripes. Car Depardieu n'est pas seulement un comédien génial, c'est aussi un entrepreneur à succès, un défenseur du cinéma français, un ambassadeur hors pair à l'étranger : autrement dit, une icône nationale. À la fois Jean de Florette et Obélix. Rodin et Cyrano. Mammuth et le colonel Chabert. Provocateur et bon vivant. Hâbleur et excessif. Il incarne la diversité gouailleuse, l'irréductible volonté de rélsistance du pays tout entier…

    Depardieu, c'est la France. Et quand la France s'insulte, se déchire, s'exile, c'est le symptôme d'un malaise important. En le traitant de « minable », le sinistre Ayrault a commis une faute : il a montré au monde entier son impuissance (à retenir les artistes qui ont « réussi »), son désir mesquin de revanche (Depardieu a voté Sarkozy, il faut donc le punir), sa rage à faire un exemple (ah ! les sales riches ! On va les faire payer !).

    Nul doute que Depardieu s'en souviendra bientôt lorsqu'il incarnera à l'écran Dominique Strauss-Kahn, un autre fleuron de la France éternelle (et socialiste) !