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Ecrivain de la comédie romande - Page 92

  • Les livres de l'année (13) : Amélie Nothomb

    images-3.jpegIl se dégage une grande mélancolie du dernier livre d'Amélie Nothomb, Pétronille*, léger comme une bulle de champagne. 

    Le champagne est d'ailleurs la métaphore filée du livre, car il provoque une ivresse légère, qui chasse provisoirement les brumes mélancoliques, et qui, surtout, peut se partager. 

    L'échange, le partage, c'est ce que cherche la narratrice du roman, double transparent de l'auteur : une compagne enjouée de beuverie. Elle la trouve en Pétronille, jeune femme en perfecto et au look androgyne, qui suit la narratrice dans les divers salons du livre où elle aime à mettre en scène son personnage de folle en haut-de-forme.

    Les rencontres se multiplient. Une étrange affection lie peu à peu les deux jeunes femmes. On sent la narratrice fascinée par ce « garçon manqué » sur qui le temps n'a pas de prise. Pétronille vient habiter chez elle. C'est vite le cauchemar. Puis elle disparaît pour aller traverser le désert saharien, en confiant à l'écrivaine belge un manuscrit que celle-ci va tenter de faire publier.

    Dans ce roman du mentir-vrai, Amélie Nothomb se révèle presque autant qu'elle parvient à cerner un personnage insaisissable, véritable vif-argent, qui n'est jamais là où on pense le trouver. Moi qui ai passé deux jours avec la vraie Pétronille (qui, dans la vie qu'on croit vraie, s'appelle Stéphanie Hochet**), je peux témoigner qu'elle est difficile à saisir ! Mais Amélie Nothomb en fait un portrait saisissant et touchant : celui d'une âme sœur perdue qui serait à la fois une complice de jeu, de beuverie, et une consolatrice.

    Une fois les brumes du champagne dissipées, il reste la mélancolie. Et dans ce livre, elle est profonde…

    * Amélie Nothomb, Pétronille, Albin Michel, 2014.

    ** Le dernier livre de Stéphanie Hochet : Éloge du chat, Léo Scheer, 2014.

     

     

  • Les livres de l'année (12) : Pour saluer Michel Butor

    images-5.jpegDe tous les vaillants mousquetaires du prétendu « Nouveau Roman », immortalisés par la fameuse photo de groupe prise le 1er juillet 1958 devant le siège des éditions de Minuit, il est le dernier survivant. On y reconnaît Alain Robbe-Grillet (le pseudo-penseur du groupe), portant cravate et moustache, Claude Simon (le vrai poète), l'Irlandais Samuel Beckett au profil d'aigle, la romancière Nathalie Sarraute (très « genre »), le genevois Robert Pinget (le plus discret) et tout au fond, un homme au crâne déjà dégarni, qui se trouve là un peu par hasard, car il n'aime ni les groupes ni les théories fumeuses : Michel Butor.

    Né en 1926, Butor a reçu déjà le Prix Renaudot pour La Modification, fantastique roman expérimental écrit à la deuxième personne du pluriel (« Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant. »), qui marquera son époque, et des générations d'étudiants en Lettres. 

    220px-Michel-Butor.jpgIl avait publié, auparavant, Le Passage de Milan et L'Emploi du temps, romans out aussi virtuoses. Deux ans plus tard, il publiera Degrés, son quatrième roman. Et le dernier…

    Par la suite, Butor s'ingéniera à brouiller les pistes, comme si la notoriété acquise par ses premiers livres lui pesait. Il écrira de la poésie, plusieurs volumes d'essais sur la littérature (les fameux Répertoires I-V), des textes qu'on peut qualifier d'expérimentaux, des traductions et un nombre important de livres d'artistes, conçus en étroite relation et collaboration avec des peintres, des graveurs, des sculpteurs…

    Ces textes, Butor les classe méticuleusement par année. Il y en a une centaine chaque fois. Regroupés en 60 cahiers. Faites le compte : ce sont plus de mille poèmes écrits dans les marges de tableaux, de dessins ou de gravures. Butor, qui aime à jouer avec les nombres, s'y donne des contraintes formelles. Pour accompagner cinq gravures de tel peintre, il écrira cinq poèmes de cinq strophes de cinq vers de cinq syllabes, par exemple…

    Aujourd'hui, grâce à Bernard de Fallois, Butor nous donne à lire les poèmes écrits en 2008-2009, à propos d'artistes ou d'amis de longue date. images-4.jpegCela s'appelle Sous l'écorce vive*. Par la variété des rythmes, des sons et des couleurs, Butor y déploie toute la palette de son talent de peintre des mots. Une palette à la fois très « tenue » et très exubérante.

    Une belle préface de Marc Fumaroli ouvre ce recueil qu'il faut déguster à sa juste valeur, et sans restriction.

    * Michel Butor, Sous l'écorce vive, poésie au jour de jour, 2008-2009, éditions de Fallois, 2014.

  • Les livres de l'année (10) : Djian, c'est toujours la même histoire

    images.jpegAvec ce diable d'homme, c'est toujours la même histoire. Il sort un livre tous les 18 mois, tous les mêmes et tous incomparables. Souvent, l'intrigue est mince. Les personnages ont peu de consistance. Le livre semble écrit comme on aligne des noix sur un bâton.

    Et pourtant, le charme opère. La même musique, une musique noire et endiablée, qui tient le lecteur en haleine, malgré une construction un peu foutraque…

    Chéri-chéri*, le dernier livre de Philippe Djian (vous l'aurez reconnu), n'échappe pas à la règle : un homme, sans âge et sans passé, Unknown.jpegcomme tous les personnages de PD, écrit des livres la journée et se produit dans une boîte de travestis la nuit. Jusqu'ici tout va bien. Denis(e) est parfaitement heureux dans sa routine bi. Hélas, ses beaux-parents viennent emménager dans son immeuble. Et les emmerdements commencent : le beau-père est un dictateur aux allures de maffieux et la belle-mère une couguar nymphomane. Lentement, l'étau se referme sur Denis(e). Et sa vie devient un enfer…

    C'est d'ailleurs la spécialité de Djian, l'enfer. Tous ses romans recréent l'enfer de la vie quotidienne. Ou comment un homme construit, souvent à son insu, une machinerie fatale qui va le broyer.

    Et c'est là que Djian est le plus fort : les dernières pages, toujours surprenantes, se dévorent d'une traite, dans l'impatience d'un dénouement que l'on pressent inéluctable. Et à chaque fois, c'est la même histoire : le lecteur se fait prendre comme un bleu.

    Et c'est tant mieux pour lui…

    * Philippe Djian, Chéri-chéri, Gallimard, 2014.