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Ecrivain de la comédie romande - Page 65

  • L'affaire Fillon, avatar de l'affaire DSK

    images-3.jpegL'affaire Fillon ne vous rappelle rien ? Allons, cherchez, vous y êtes presque…

    Mais, bon sang, c'est bien sûr ! comme disait le brave commissaire Bourrel. Il y a 6 ans, presque jour pour jour… L'affaire DSK !

    L'analogie es troublante : deux candidats à la présidence de la République française — largement favoris — flingués en plein vol par les médias (en attendant le verdict de la Justice). Le premier pour « agression sexuelle, viol, séquestration » ; le second parce qu'il a accordé, pendant des années, un emploi fictif à son épouse, la bien-nommée Pénélope (près d'un million d'euros tout de même !). Dans les deux cas, la Justice s'en mêle. Mais trop tard : les hommes ont déjà été lynchés publiquement par les médias. Ils sont morts tous les deux — symboliquement, politiquement.

    On comprend mieux, avec le temps, les contours du complot dont les deux hommes ont été victimes : il s'agissait d'écarter deux candidats gênants de l'élection présidentielle. Mission accomplie. Peu importe d'où vient le coup (Sarkozy ? Juppé ? Dati ? Macron ?) Seul compte le résultat.

    images-2.jpegL'affaire DSK a constitué un véritable feuilleton à suspense pour la presse française (et étrangère). Une aubaine. Un miracle. Jour après jour, on a fouillé la vie (pas très nette) de l'homme politique. Des « victimes » ont sauté sur l'occasion pour se payer un quart d'heure de notoriété. On a poursuivi l'homme. On l'a traqué, cerné, puis lapidé sur la place publique. Il ne s'en remettra pas.

    En octobre 2011, la Justice américaine rendait son verdict. Comme on sait, DSK a été blanchi de toutes les accusations portées contre lui. Lynché, mais innocent.

    images-5.jpegIl risque bien de se passer la même chose pour François Fillon. tout le monde, en France comme ailleurs, attend le verdict de la Justice. Mais le mal est fait. D'autant que l'«inculpé» s'est très mal défendu. Et il est difficile, en effet, de demander des sacrifices à ses compatriotes (dont plus de 15% sont au chômage) tout en rétribuant grassement sa femme et ses enfants pour un travail qu'ils n'ont jamais effectué ! 

    La morale de la fable, c'est que la presse est toute puissante (c'est-à-dire plus forte que la Justice). C'est elle qui aiguille nos choix, élimine tel ou tel candidat gênant, influence nos décisions. Tout cela sent la cabale, bien sûr. Mais quelle efficacité ! Innocent ou coupable, personne ne s'en relève. 

  • La mandragore et les pissenlits (Fabienne Radi)

    images-3.jpegGrâce à Pascal Rebetez (photo) qui dirige les éditions d'autre part (avec Jasmine Liardet), nous avons droit, de temps en temps, à quelques textes qui font figure d'ovnis dans le paysage plutôt conventionnel de la littérature romande. Heureuse initiative ! C'est grâce à lui que nous avons découvert Jean-Pierre Rochat (Prix Dentan 2013 pour L'écrivain suisse-allemand) et François Beuchat, l'infatigable graphomane jurassien, Laure Chappuis et Pierre-André Milhit, ou encore Blaise Hofmann et Alain Bagnoud. À chaque fois, l'éditeur permet à une voix de s'exprimer. Une voix d'ici, singulière, originale, unique.
    th-32_fabienne.jpgC'est le cas de Fabienne Radi (photo), qui publie C'est quelque chose, une fable drolatique et décalée. On connaît l'auteur pour ses essais sur l'art et ses livres d'artiste. Mais c'est la première fois qu'elle se lance dans un texte de fiction (qui a reçu le Prix littéraire chênois 2016). Le personnage principal de cette fable rurale est une maison que ses propriétaires — qui ont émigré quelque temps en Norvège — décident de louer à des étudiants scandinaves. Ceux-ci vont bien sûr profiter de l'isolement de la maison, sise à l'orée des bois, pour se livrer à toute sorte de fantaisies bien dans l'esprit des années de libération sexuelle.

    images-2.jpegLe récit est vif et bien mené, agrémenté de notes plus ou moins farfelues (dont un témoignage de Hugh Hefner, créateur du magazine Playboy, qui vient mettre son grain de sel dans l'histoire !) La fable pourrai être développée et approfondie, mais Fabienne Radi préfère la manière légère et allusive. Ce qui fait tout le charme de son roman. Sa conclusion me fait penser au célèbre roman de Hanss Heinz Ewers, La Mandragore (1911), véritable must dans les années septante — la fameuse mandragore prenant ici la forme et la couleur des pissenlits.

    Un texte à découvrir.

    * Fabienne Radi, C'est quelque chose, éditions d'autre part, 2017.

  • Mort de L'Hebdo : colère et mépris

    images-3.jpegCe qui arrive aujourd'hui à L'Hebdo (une catastrophe) est arrivé déjà à de nombreux journaux romands. Faute d'argent, le quotidien La Suisse a cessé de paraître en 1994. Le prestigieux Journal de Genève, comme son concurrent Le Nouveau Quotidien (lancé par Jacques Pilet pour torpiller le premier) a disparu en 1998 — pour se muer, tant bien que mal, dans le journal Le Temps. images-5.jpegOn se souvient également de l'hebdomadaire dimanche.ch, disparu lui aussi trop tôt. Tous ces journaux (à l'exception du dernier, propriété du groupe Ringier) appartenaient à des patrons romands (Jean-Claude Nicole pour La Suisse ; la famille Lamunière pour Le Nouveau Quotidien).

    images-6.jpegCe qui est différent, aujourd'hui, c'est que tous les journaux et hebdomadaires romands (sauf quelques-uns comme La Liberté ou Le Courrier) sont la propriété de grands groupes zurichois (Tamedia), voire allemands (Ringier appartient à la galaxie Springer). Autrement dit, toute l'information que nous « consommons » chaque jour est tributaire du bon vouloir de quelques décideurs de Zurich ou de Berlin. Cela s'est confirmé lundi avec la mort de L'Hebdo, fleuron de la presse romande, mort décidée depuis le QG Springer à Berlin, et programmée sans doute depuis longtemps. Le prochain sur la liste, semble-t-il, c'est Le Temps, dont les jours sont comptés.

    images-7.jpegComment en est-on arrivé là ? Pourquoi la Suisse romande a-t-elle vendu pareillement son âme (car les journaux sont l'âme d'une région) à des groupes de presse situés à mille lieues de ses préoccupations, et obéissant à la seule loi du profit ? La responsabilité des grands patrons de presse romands est ici engagée. Et quand on voit le résultat — un désastre —, il y a de quoi être en colère…

    images-8.jpegPourquoi personne, en Suisse romande, région apparemment prospère (sic!), ne s'est-il levé pour reprendre le flambeau ? Pourquoi ce silence et cette indifférence embarrassée ? Comment peut-on supporter cette situation d'extrême dépendance face à Zurich ou à Berlin qui gèrent leurs navires, de loin, au gré de leur caprice ? N'est-ce pas le signe — comme le suggère l'écrivain Daniel de Roulet — d'un mépris profond pour la Suisse romande, qui ne sera jamais que la cinquième roue du char ?

    Il est temps, je crois, de se poser ces questions. Et ces questions sont de plus en plus urgentes, si l'on considère les difficultés de la presse aujourd'hui. Car il en va de son avenir. C'est-à-dire du nôtre aussi.