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autocélébration - Page 3

  • Joyce Carol Oates ou la liberté souveraine

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    J’ai vécu l’âge de glace du roman – et j’y ai survécu! À l’université régnait en maître le roman dit «nouveau», autrement dit: sa négation. « Plus de récit, non, jamais »: l’injonction de Maurice Blanchot semblait définitive: on n’avait plus le droit de raconter des histoires, ou alors, si on persistait dans l’erreur, il fallait que ces histoires soient subtilement déconstruites, pour ne pas dire illisibles. Le roman était mort: Alain Robbe-Grillet et ses joyeux comparses avaient cloué à jamais le cercueil.

    Quand on veut écrire, malgré tout, il faut se débarrasser des injonctions, surtout universitaires. Oublier le «nouveau roman», qui n’est qu’une époque de la littérature, et pas la plus émoustillante. C’est une tâche passionnante: on découvre alors tous les auteurs mis au rebut ou simplement oubliés par l’alma mater. Les auteurs mal famés comme l’odieux et génial Céline, le subtil Paul Morand, la vénéneuse Violette Leduc – et même Françoise Sagan, épinglée à jamais dans la catégorie des écrivains frivoles (mais quelle grâce!).

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    A l’université, la littérature romande n’a jamais eu qu’un strapontin. Elle représentait une littérature exotique, ataviquement attachée au terroir, sans visée universelle, prisonnière de ses tics et de ses tournures locales. Quel dommage! Pour l’écrivain en devenir, l’école buissonnière était obligatoire et passait par la découverte des livres de Chessex et de Chappaz, de Bouvier et de Corinna Bille, de Germain Clavien et de Pierre Girard, de Georges Haldas et de Jean Vuilleumier. Autant de voix uniques et singulières. Autant de territoires inconnus, à des années-lumière de la doxa, qui ouvraient, pour le lecteur avide, de nouveaux horizons, où l’air était plus frais et la vie plus sauvage. 

    Ces horizons illimités, je les ai connus en 1995 quand je fus invité par l’Université du Michigan, à Ann Arbor. J’étais chargé de donner un cours sur la littérature suisse: Rousseau, Ramuz, Chessex, Corinna Bille, Bouvier, auxquels on avait rattaché, par nécessité pédagogique, Monsieur de Voltaire, qui était au programme des examens! Autant dire que pour mes étudiants des grandes plaines j’enseignais une manière de chinois! Je profitai de mon séjour pour lire les écrivains qui attendaient depuis longtemps sur ma table de chevet. J’étais au Michigan, il me fallait lire aussi les écrivains du cru, les mieux à même de me faire découvrir le génie des lieux.

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    C’est ainsi que j’ai découvert Joyce Carol Oates, le plus grand écrivain américain vivant. J’ai commencé par Solstice, le récit d’une amitié insolite entre deux femmes qui s’attirent et s’affrontent, sur fond de création artistique (l’une d’elles est sculptrice). Puis j’ai continué avec Le pays des merveilles. Puis Amours profanes, Haute Enfance, Le goût de l’Amérique. La liste est longue des livres lus et encore à lire, puisque cette femme d’allure si frêle a publié près de 70 ouvrages – récits, romans, pièces de théâtre, essais – et usé de plusieurs pseudonymes, dont Rosamond Smith et Lauren Kelly!

    Impossible, donc, d’en faire le tour: Joyce Carol Oates, née le 16 juin 1938 (le jour du Bloomsday!) dans l’Etat de New York, épuise, par la richesse de son œuvre, les lecteurs les plus aguerris – sans parler de ses éditeurs, ni de ses traducteurs qui peinent à suivre les ramifications de cette œuvre monstre.
    Le réalisme est la lèpre de la littérature. Chaque livre puise ses racines dans le réel, mais il ne doit jamais s’y enferrer, ni s’y enterrer. C’est la force des romans de Joyce Carol Oates: ils commencent par un cri, un geste suspendu, une scène de cauchemar (un enfant que sa mère tente de noyer dans la boue dans Mudwoman). Ils sont ancrés dans le réel.

    Mais l’auteure abandonne assez vite la piste réaliste ou sociologique. Ce réel, alors, se révèle hanté de forces obscures, violentes, contradictoires. C’est une glu dont il faut s’échapper. Il s’ouvre au fantastique et au «gothique», comme on dit aujourd’hui (relisez Maupassant: il ne fait pas autre chose). L’auteure apprend à démasquer les pièges du monde et à les déjouer. C’est un jeu infernal. Elle ne prend jamais parti. Elle dit le bien comme le mal, imperturbablement, sans se soucier de la doxa à la mode (c’est pourquoi beaucoup de ses livres ont fait scandale). Ses personnages sont déchirés, abandonnés, en quête de rédemption: le plus souvent, ce sont des femmes, qui réussissent le prodige de s’en sortir, de se sauver, alors que tout conspirait à leur perte.

    Joyce Carol Oates, pour tous les écrivains, c’est l’exemple d’une liberté souveraine.

    Jean-Michel Olivier

    © Le Temps, 2019.

    @ dessin : Frassetto.

  • Deux familles, les siennes, sous l'œil de l'écrivain

    par Daniel Fattore

    38804441_1863908013666963_2534191868992815104_n.jpgJean-Michel Olivier – L'œil défaillant, l'objectif menteur. La photo, vérité travestie ou aléatoire. Le regard troublé, ou non. C'est un roman visuel à l'extrême que Jean-Michel Olivier propose avec "L'Enfant secret". Roman? L'écrivain suisse le présente comme un récit, indiquant qu'il y a quelque chose de sa propre histoire familiale dans la destinée de deux familles que tout sépare et que tout va réunir: celle fondée par Julien et Emilie, et celle d'Antonio Campofaggi, dit Campo.

    Tout sépare ces deux familles, en effet, et c'est un bon point de départ pour deux récits parallèles des plus contrastés. Julien et Emilie, c'est le couple vaudois villageois typique du début du vingtième siècle, empreint de culture protestante, avec un Julien qui a accidentellement perdu la vue dans son enfance et une Emilie à la patte folle. Si l'auteur n'oublie jamais Emilie, c'est sur le handicap de Julien que l'auteur concentre son regard, dessinant page après page son univers fantomatique, ainsi que sa manière de se débrouiller avec une vue délabrée. Chacun semble trouver sa place dans ce récit familial, sans révolte (à l'usine d'allumettes ou au restaurant, il faut trimer, c'est comme ça), dans le cadre d'un pays calme et épargné par la guerre, la Suisse, qui n'en a pas moins ses zones d'ombre et ses raideurs. En pensant à Emilie, en particulier, il est permis de se souvenir des 3 K helvétiques bien conservateurs: "Kinder, Kirche, Küche". Concernant Julien, c'est plutôt chœur local, errances et vin blanc. 
     
    Dans l'autre camp, la famille Campofaggi est urbaine, et devient nolens volens un élément du système: c'est dans l'Italie fasciste que Campo, le photographe professionnel, trouve de quoi vivre. L'art du photographe est celui du mensonge, découvre-t-on au fil des pages: photos retouchées, poses étudiées, souci permanent d'une propagande affinée. Campo contribue ainsi à la création de l'image "historique" de Benito Mussolini, conforme à une idéologie qui prône la force et les valeurs viriles. Y croit-il vraiment? L'auteur ne manque pas de décrire quelques scènes grotesques telles que le duel à l'épée entre le Duce et Campo, ou le moment où, prononçant un discours, Benito Mussolini se trouve piégé par une pluie diluvienne qui fait fuir ses auditeurs. Mais ce qu'on reprochera au photographe, c'est de n'avoir pas dénoncé ce qu'il y a derrière les photographies léchées, d'avoir été au plus près du pouvoir et de n'avoir rien dit. Ironie de l'histoire: autrichien au terme de la Première guerre mondiale, donc dans le camp des vaincus, il se retrouve à nouveau vaincu au terme de la Seconde guerre mondiale, comme Italien.
     
    51GFcArJYrL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgLes apparences séparent ces deux familles, on l'a compris. Pourtant, l'auteur s'ingénie à les rapprocher, avec le coup de pouce de l'histoire. Le trait d'union? C'est un appareil photo... L'auteur relate en effet un élément incroyable: il met entre les mains du quasi-aveugle Julien un appareil photo Rollei, avec lequel il va s'ingénier à tout canarder. A l'art léché, travaillé, mensonger aussi, de Campo, répond ainsi le jeu spontané, brut et mal cadré, amusant pour dire le tout, de Julien. Qui est le plus proche du vrai? Peut-être pas Campo, quoique: il garde quelques photos authentiques dans une caissette bien fermée. Et peut-être pas davantage Julien, qui finira par recouvrer la vue et découvrir que ses photos n'étaient pas du tout ce qu'il pensait qu'elles seraient. Cette redécouverte du sens de la vue fait du reste penser à "La Symphonie pastorale" d'André Gide, l'issue tragique en moins: "C'est donc à ça que tu ressembles! Avoue que tu espérais mieux!", rigole Julien, se voyant, hilare, face au miroir pour la première fois.
     
    Et au fil des péripéties et de l'histoire, comme on s'y attend, les deux familles trouvent le moyen de se trouver, dans le contexte dévasté de l'après-guerre. Un contexte de folie, ce que suggère le cadre d'un asile psychiatrique/maison de repos où l'on rencontre quelques personnalités: Edda, une des filles de Mussolini, mais aussi, à peine déguisé, Jack Rollan – qui a d'ailleurs appris, un peu, le métier de photographe avant de devenir connu pour son "Bonjour!". C'est là aussi qu'un garçon vaudois caractériel fan de football (comme l'auteur) va rencontrer une belle Italienne... l'affaire est faite, une génération nouvelle peut naître.
     
    Les sens sont trompeurs, en particulier la vue, semble dire l'écrivain. Cela, d'autant plus si ceux-ci sont dotés d'une béquille, en l'occurrence celle de l'appareil photo qui rapporte ce qu'il veut ou dont on peut faire mentir les produits à volonté. Au temps à venir de l'humain augmenté, au temps aussi de la photo banalisée par le numérique, voilà qui devrait faire réfléchir! enfant secret,fattore,récit,mussolini,photographie,italie,suisseEt si le regard de l'écrivain était, in fine, le plus aigu de ce roman? C'est lui qui, au fil de phrases simples segmentées en paragraphes courts qui font figure de séquences, règle sans cesse la focale sur un récit ancien et précis, en rappelant, par les mots et structures répétés d'un bout à l'autre du livre, que la vie est un éternel recommencement. En somme, c'est son propre album de photos de famille qu'il feuillette, passionné et captivant, avec ses lecteurs. Après tout, cet "enfant secret" du titre, encore à naître, ange ou fantôme un peu omniscient en ce sens qu'il a l'œil partout et confère un sens au chaos de l'histoire familiale ou européenne, c'est peut-être bien lui.
     
    Jean-Michel Olivier, L'Enfant secret, Lausanne, L'Age d'Homme/Poche Suisse, 2018/première édition 2004. 
    Jean-Michel Olivier, The Secret Child, traduit par Laurence Moscato, Skomlin, 2017.
    Ce récit a obtenu le prix Michel Dentan en 2004.

  • L'Enfant secret (The Secret Child) en anglais !

    51GFcArJYrL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgQuelle émotion et quel bonheur de voir mon cher Enfant secret*, Prix Dentan 2004, traduit par l'excellente Laurence Moscato et préfacé par Clorinda Donato**, paraître aujourd'hui en langue anglaise !

    Je me permets de reproduire le texte que Jean Kaempfer, Président du Jury du Prix Dentan, avait écrit pour la remise du Prix en avril 2004.

    « L’ouvrage que le jury du Prix Dentan désigne aujourd’hui à l’attention des lecteurs parce qu’il s’est imposé — c’est la formule de nos Statuts - " par sa force d'écriture, son originalité, son pouvoir de fascination et le bonheur de lecture qu'il procure " ; ce récit dont je suis heureux de faire l’éloge constitue une réponse convaincante (convaincante parce qu’elle consiste dans l’invention d’une forme originale) à la question de savoir comment on fait mémoire d’une origine, ou encore : à la question de savoir comment les incertitudes de la généalogie — qui furent mes parents, mes grand-parents ? - incertitudes qui se creusent autant qu’elles se résorbent lorsqu’on scrute les documents qui restent, le savoir déposé dans les livres ; comment tout cela, repris par l’imagination qui sauve et configure, devient la source vive de l’identité personnelle.

    C’est sans doute, en effet, L’Enfant secret, le livre le plus personnel de Jean-Michel Olivier, un récit, est-il précisé, et non un roman, comme la plupart des œuvres narratives qu’il a publiées — et un récit dédié " à la mémoire de [s]es grands-parents ". Aussi, cet " enfant secret qui porte en lui les rêves des autres " en épousant leurs peines, le lecteur devine que c’est l’auteur lui-même — intuition que Jean-Michel Olivier confirme dans les propos qu’il a récemment tenus à Rose-Marie Pagnard, pour Le Temps : " Ce livre est très directement inspiré par l’histoire de mes grands-parents, des Vaudois et des Italiens ". Ou encore, pour citer le texte même : " c’est l’histoire de ma vie que je cherche ", au confluent de " deux rivières (deux courants, deux désirs) ". 

    Voici le versant vaudois, d’abord, celui des grands-parents paternels : ceux-ci tiennent un restaurant, connaissent un bonheur modeste dont le cadre quotidien est recréé avec attention et tendresse : pour leurs deux enfants, Pierre et Jacqueline, l’auberge est ainsi un lieu d’expériences enchantées.

    " Ce qu’ils aiment surtout, c’est s’introduire en douce dans la cuisine l’après-midi, quand tout le monde fait la sieste. Ils goûtent à tout ce qu’ils touchent : les fonds de sauce, le bouillon de légumes et de bœuf, les pots de raisiné pour la tarte, les morceaux de gruyère marinant dans le vin, les confitures et la moutarde. 

    Parfois, le goût est âpre et ils font la grimace. Parfois c’est si amer et dégoûtant qu’ils recrachent tout dans les casseroles (sans le dire à personne). Parfois même ils sont mal, ils ont le cœur au bord des lèvres tellement la consistance ou l’odeur est affreuse. Ils ont beau tout recracher : ils ruminent jusqu’au soir le goût de mort qu’ils ont dans la bouche.

    Et ils s’endorment avec la certitude qu’ils sont empoisonnés. "

    Mais bientôt, la mort accidentelle de la cadette, Jacqueline, assombrit le tableau. L’auberge est abandonnée, Julien, le grand-père, trouve du travail dans une fabrique d’allumettes et son épouse Emilie s’emploie à faire des abat-jour. Occasion, pour Jean-Michel Olivier, d’élargir la mémoire du passé, en ajoutant aux notations intimistes de brefs éclats où la réalité économique apparaît avec brutalité : ainsi, le travail à la fabrique d’allumettes est dangereux : 

    " Quand il remplit la machine avec les paniers d’allumettes, celles-ci frottent la plaque et s’enflamment. Sauve qui peut ! […] A la Diamond, ça arrive toutes les semaines : les machines font tuyau et se transforment en lance-flammes. Parfois il n’y a qu’une issue, sauter par la fenêtre pour échapper à la fournaise. "

    Tout autre est le versant italien de la généalogie, celui d’Antonio et de Nora ; ici, l’histoire privée croise sans cesse la grande Histoire : nous sommes à Trieste, Antonio porte des guêtres blanches, il lit Eliot, aime Alban Berg, rencontre Joyce : Joyce, un collègue de Nora, la future épouse d’Antonio à l’Ecole Berlitz où elle enseigne… Fine lame, bon musicien, Antonio ; mais ce sont ses talents de photographe qui vont précipiter son destin; pendant quinze ans, il sera le portraitiste attitré du Duce, le maître des icônes impériales : " L’ombre est traquée, puis effacée de chaque image, comme l’ennemi intérieur est arrêté, envoyé en prison ou même exécuté […]. La lumière règne en maîtresse absolue. "

    dentan3.jpgMais cette lumière aveuglante est corrigée par le point de vue de Julien, l’autre ancêtre — photographe lui aussi, mais d’une sorte bien particulière, puisqu’il est à moitié aveugle. Un accident survenu dans son enfance, dont l’évocation ouvre le livre, lui a mis, pour toujours, de la neige dans les yeux, " une neige pâle et lourde parfois teintée de rouge vif, parfois tombant en flocons bleus irréguliers. " Ainsi, c’est en aveugle que Julien prend ses photographies, guidé par une " odeur de fruits broyés, de feuilles mortes, de foin fraîchement coupé. […] Il marche au bord du vide, vers cette autre part de lui-même, plus ancienne que le monde, et dont l’entrée est interdite, quand nos yeux sont ouverts. " A l’inverse de cette soumission sensible au monde, qui ouvre sur une connaissance intime, les photos d’Antonio entendent " faire rendre gorge à la réalité — alors une autre vérité vient au jour, qui littéralement crevait les yeux, mais que personne, jamais, dans son évidence aveuglante, n’avait imaginée ou entrevue. " 

    La photographie révèle un au-delà du regard — pour Julien, elle fait apparaître ce que l’on voit, les yeux fermés ; pour Antonio, elle révèle ce que l’on ne voit pas, les yeux ouverts. C’est dans cet espace paradoxal, fait d’hyperacuité et d’hypersensibilité, que le récit de Jean-Michel Olivier trouve à son tour sa place et son rythme. 

    Son livre est construit par fragments, c’est une succession de brefs paragraphes séparés par des blancs typographiques qui découpent des instantanés : ainsi ces " cavaliers en djellaba et turban rouge, fusil en bandoulière, chaussés de simples sandales de cuir ", qui galopent dans les prés enneigés — des spahis que les aléas de la guerre ont conduits en Suisse. C’est une des réussites de L’Enfant secret que cette résurrection ponctuelle du passé grâce à des images parfaitement précises et indubitables. Voilà pour l’acuité. 

    Et la sensibilité ? Pour ma part, c’est dans les blancs typographiques que j’en percevrais volontiers l’action - dans ces endroits nombreux où le texte est vierge d’écriture, signalant ainsi l’absence, explicite, de tout développement. Le mot est pris ici dans son sens rhétorique, mais il a un sens technique aussi bien : pour Julien " le monde est [ainsi] une photographie qu’il n’arrivera jamais à développer ". De même ces blancs ; ils sont la pure plaque sensible du texte, là où s’ouvre le vide, " vers cette autre part de nous-mêmes " où restent, invisibles et imprononçables, les signes vrais de notre vie. 

    " Le mot n’est écrit nulle part, et jamais prononcé ; l’image, volatile et tronquée comme une ombre, est tenue secrète. " Des mots ont été écrits pourtant, des images ont été produites, afin que nous sachions que le désir d’identité n’est pas vain, et que la littérature est le lieu par excellence où composer ce désir. »

    © photo Corine Renevey : Vladimir Dimitrijevic, Claude Frochaux, Rafik ben Salah, JMO.

    * Jean-Michel Olivier, L'Enfant secret, Poche suisse, l'Âge d'Homme, 2003.

    ** Jean-Michel Olivier, The Secret Child, traduit par Laurence Moscato, préface de Clorinda Donato, Skomlin editor, 2018.