
Peu de théâtres, dans la région lémanique, proposent un tel cocktail d'intelligence et d'émotions, de sagesse et d'humour tendrement décalé. C 'est pour cela, sans doute, que le Théâtre du Loup, qui a bâti sa tannière du côté des Acacias grâce à l'appui de Mathias Langhoff, est unique en son genre…
Dix-huit ans après sa création à la Comédie de Genève (à l'époque, Claude Stratz en était le directeur), le Loup reprend La triste histoire de Marguerite qui jouait si bien du violon, d'après David McKee. Voici ce que mon collègue et ami Serge Bimpage écrivait dans La Tribune de Genève : « Alors en voiture avec Marguerite pour cet irrésistible voyage aigre-doux au pays des êtres humains. Au fil de ses péripéties, non seulement l’archet magique de l’héroïne triomphera tour à tour de l’ire des gens pressés (la scène des habitants de l’immeuble est désopilante), de la voracité des managers de tout poil et de ses propres parents qui projettent en Marguerite une réussite qui leur fut confisquée, mais il fait naître au fil de sa musique un monde fantasmagorique et parallèle. Servi par une mise en scène rythmée, à laquelle se plient avec autant de talents tous les protagonistes de l’histoire, ce spectacle qui fourmille de trouvailles est à classer au rang des plus beaux fleurons du théâtre pour enfants. »
Il est toujours intéressant de revoir un spectacle que l'on a aimé lors de sa création, plusieurs années auparavant. Qu'est-ce qui a changé ?
Des détails de la mise en scène extraordinairement inventive de Rossella Riccaboni, Adrien Barazzone et Eric Jeanmonod (à qui l'on doit une scénographie proprement géniale toute en trompe-l'œil, en chausse-trappes, en fenêtres secrètes. Quelques allusions à nos obsessions contemporaines (Facebook, les téléphones portables). Des masques magnifiques. Une musique (signée Jacques Demierre) qui sait jouer des genres et des scies à la mode. Des scènes chantées, d'autres dansées, avec grâce et humour.
Oui, La triste histoire de Marguerite est bien une re-création. Une fête de l'intelligence et des sens dont on ressort heureux. Il ne faut rater cette aubaine à aucun prix ! C'est trop bien. Et trop rare à Genève.
Du 16 octobre au 7 novembre 2010 au Théâtre du Loup, chemin de la Gravière, Acacias.
Spectacle tous publics, dès 6 ans. Mercredi et samedi à 19h . Vendredi à 20h . Dimanche à 17h.
Relâche le lundi, mardi et jeudi
lien internet : http://www.theatreduloup.ch/spip.php?article125
Mais Thierry Vernet ? Souvent dans l’ombre de Bouvier, qui s’est approprié ce voyage entrepris pourtant à deux, il se révèle un écrivain de la meilleure veine, multipliant les bonheurs d’expression et jouissant d’un don d’observation hors du commun. Dessinant, écrivant tous les jours (ses croquis étonnants ont illustré L’Usage du monde
Au voyage de Bouvier, dont L'Usage du monde donne un témoignage décanté et stylisé, les lettres de Thierry Vernet forment une sorte de contrepoint. Comme un autre regard, à la fois généreux et profus, étonné et radieux. Parallèlement aux lettres publiées par l'Âge d'Homme, paraît un magnifique ouvrage, aux éditions Somogy et Galerie Plexus***, qui rend justice (enfin !) au talent du peintre Vernet. Accompagnée d'une présentation subtile et fouillée, signée Jan Laurens Siesling, ce livre contient de nombreuses reproductions de portraits et de natures mortes, réellement exceptionnells. Un ouvrage indispensable pour mieux connaître ce Genevois discret, mais intrépide et épris d'absolu, qui est décédé d'un cancer en octobre 1993.
Anne-Sylvie Sprenger (née à Lausanne en 1977) aime les livres brefs et intenses. En général une centaine de pages. Chapitres courts, aérés, où l'écriture cherche à décrire une blessure essentielle. Souvent inavouable. Toujours secrète. C'était le cas de Vorace, son premier livre, paru en 2007, porté sur les fonts baptismaux par Jacques Chessex, et loué par la critique française. Ça l'était également pour Sale fille, paru il y a deux ans. Le tout nouveau roman d'Anne-Sylvie Sprenger pourrait d'ailleurs s'appeler Sale type, tant il s'inscrit dans la continuité des précédents. Mais il s'appelle La Veuve du Christ*. Titre à la fois lumineux et provocateur.
Et la victime ? « Lena a appris à vivre dans sa tête ». Elle se protège comme elle peut de la présence du monstre. Un monstre qui a cinquante ans, mais qui, affectivement, est fruste et malheureux. Ce qui n'est certes pas une excuse. Mais explique l'étrange relation qui va s'instaurer entre le bourreau et sa victime. La tendresse. Les caresses. Puis l'amour monstre. « Victor et Lena s'aimeront tout l'été. » Il y a quelque chose d'à la fois pathétique et troublant dans cette relation (on n'ose pas parler d'amour) qui transgresse les normes et les interdits. Certains évoqueront le