Chaque année je reviens sur mes traces.
Ce n’est pas un pèlerinage. Je ne recherche l’aide ou la protection d’aucun dieu. Mais c’est une enquête policière. Tous les enfants sont détectives. Alors j’interroge des témoins. Je relève des indices. À ma manière je mène mes investigations.
Je loue toujours la même chambre. Au cinquième étage. Avec la salle de bains en marbre blanc, le lit matrimonial et le petit salon en velours bleu. Trois fenêtres. Un balcon qui offre une vue impressionnante sur la ville et le lac.
C’est l’été. On entend les sirènes des bateaux qui rentrent au port. Les quais ressemblent à un grand parc d’attractions. Les enfants tournent sur les manèges ou poussent des cris d’effroi sur la Grande Roue. On trouve de tout dans les échoppes : des friandises et des bijoux artisanaux, de la nourriture exotique, des calligraphes chinois et des dealers. Par petits groupes, des touristes étrangers font cercle autour des joueurs de bonneteau.
Mon histoire commence dans cette chambre.
Après la nuit d’amour, ils ne se sont jamais revus.
Comme moi aujourd’hui, ma mère est revenue au Richemond. Étrangère, toujours. Une île perdue au milieu de la mer. Elle a bu un café sur la terrasse. Elle a posé quelques questions, mené discrètement sa propre enquête. Mais l’homme qu’elle recherchait était parti.
Elle n’a pas cherché à savoir où. Ni pourquoi. Ni avec qui. Par superstition, elle a tout de même allumé une cigarette pensant peut-être, comme Aladin, faire apparaître un fantôme de sa fumée magique.
© Photographie : Bernard Faucon.