John grandit normalement, mais il ne parle pas, au grand désespoir de ses parents.
Vers l'âge de seize ans, il dit enfin à l'heure du thè : « J'aimerais bien un peu de sucre. »
Sa mère, émerveillée : « Mais, John, pourquoi n'as-tu rien dit jusqu'ici ?
— Jusqu'ici, dit John, tout était parfait. »
Si tout est parfait, le langage est inutile. C'est vrai pour les bêtes. Si les bêtes ne parlent pas, c'est que tout est parfait pour elles. Si un jour elles se mettaient à parler, c'est que le monde aura perdu une certaine perfection.
Jean Baudrillard (1929-2007), Cool memories, Galilée, 1987.