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Petit éloge des journaux

images.jpegMa mère ne lit pas les journaux. Mon père ne lisait pas de livres. En revanche, il dévorait tles quotidiens. Il commençait par les pages sportives, souvent dans le deuxième ou le troisième cahier, pour remontait inexorablement vers les pages suisses, puis internationales. En s'arrêtant longtemps sur les avis mortuaires, sur lesquels il était imbattable. Comme, d'ailleurs, sur les derniers résultats sportifs.

Au fil des ans, lui qui était un fidèle lecteur de La Suisse, s'abonna à La Tribune de Genève, ce qui était pour lui une sorte de promotion sociale. Tout en épluchant chaque jour le quotidien de la rue des Savoises, comme il l'avait toujours fait. En attendant la sortie, chaque semaine, mercredi ou jeudi, de La Semaine sportive, qui lui apportait un supplément d'informations sur ses clubs de foot préférés, Lausanne Sports ou Servette…

Que lirait-il aujourd'hui, alors que presque tous les journaux qu'il chérissait ont disparu? Les gratuits? Certainement pas. Le Temps ou 24Heures, peut-être. La Tribune, certainement. Même si, depuis une semaine, ces titres si profondément ancrés en terre romande ont désormais un petit accent zurichois, puisqu'Edipresse a été racheté par le groupe de presse alémanique Tamedia. Lequel jure, par tous les dieux du ciel, que les quotidiens romands survivront à cette nouvelle « fusion », et même prospéreront sous sa gouverne. On ne peut que le souhaiter vivement. En ces temps de crise, seuls les mastodontes ont des chances de survie (encore que l'exemple des dinosaures, qui régnaient sur la terre sans partage avant de disparaître totalement, ne soit pas de très bon augure…).

La presse écrite doit faire face à une concurrence de plus en plus rude de la part des radios, comme des télévisions, et des médias électroniques. Chacun se bat pour conserver sa part de publicité. C'est la loi du marché, c'est-à-dire de la jungle. Les petits se font dévorer par les grands. La preuve, une fois encore, que le libéralisme sauvage ne règle rien, et n'a pas d'états d'âme. Edipresse a été englouti par Tamedia. Un ou plusieurs titres vont disparaître bientôt de la scène médiatique. Chez l'autre grand éditeur suisse, Ringier, l'Illustré se frotte les mains, tandis que L'Hebdo se demande ce qu'il va devenir. Certains parlent même de supprimer le titre cette année…

Chérissons nos journaux — ces petits miracles de travail collectif et quotidien — qui nous apportent le monde sur un plateau : mais un monde illustré, commenté, éclairé de manière souvent originale et passionnante. Lisons-en un, deux, trois par jour. Pas de limite à l'addiction. Beaucoup de titres, en Suisse romande, ont disparu depuis vingt ans. D'autres les ont remplacés. Bien sûr, on peut regretter La Suisse ou Le Journal de Genève. Ils appartenaient à une époque où Genève était encore une ville puissante et rayonnante. Les centres de décision se sont ensuite déplacés à Lausanne, dans la tour Edipresse. Aujourd'hui, c'est à Zurich que le destin des quotidiens romands va se jouer.

Oui, chérissons nos journaux parce qu'ils font partie de nous. Ils nous parlent, comme ils savent lire, en nous, ce qui nous regarde et qu'on ne voit pas toujours. Parce qu'ils célèbrent le lien social et constituent, peut-être, le dernier lieu commun où les hommes se rencontrent, échangent, discutent. Parce qu'ils nous tendent un miroir qui nous permet de mieux saisir ce qui nous constitue, et que le monde. d'ordinaire, s'ingénie à nous cacher.

 

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