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  • Les années Warhol

     


     

    Ce n’est pas un roman historique, ni sociologique, que propose Jean-Pierre Keller avec Andy le somnambule*. Il s’agirait plutôt d’une évocation, à la fois passionnée et passionnante, des années-Warhol. On se trouve à New York, bien sûr, au début des années 60. Warhol y invente le pop art et ouvre sa mythique Factory. L’air absent, toujours pareil à lui-même, impassible, Warhol observe les autres (musiciens, peintres, sculpteurs, photographes) : il laisse « juste monter la tension. »

    En réalité, plus qu’un artiste spécialiste d’un art ou d’un autre, c’est un observateur, un espion, un metteur en scène. Keller restitue avec humour et brio cette aura de folie qui entourait Andy Warhol. La création désordonnée et incessante dans toutes les formes d’art. L’expérimentation sans limite, avec ou sans l’aide des drogues, de la vie dans tous ses états. L’extraordinaire liberté d’un mouvement artistique que personne — surtout pas Warhol — ne maîtrisait…
    « C’est sur ce manque intérieur, cette carence, cette incomplétude que tu as bâti ton Église — aux Église aux rites dérisoires et aux clinquantes icônes. Une Église qu’on poète de mes amis a baptisée d’un nom obscur et magnifique : l’Église du Pénis Inimaginable. Peut-être par nostalgie des rites que tu observais dans ton enfance à Saint-Chrysostome, as-tu voulu jouer le rôle du grand prêtre et du confesseur ? Mais que n’as-tu su donner à tes ouailles égarées l’amour qu’elles méritaient ? »
    Encore une histoire d’amour qui se termine mal ! On sait l’idolâtrie qui entourait Warhol dans le courant des années 70. On sait aussi que tout idolâtre finit par tuer l’idole qu’il adorait. Cela se confirme avec Warhol qu’une adoratrice particulièrement remontée tenta d'assassiner de plusieurs balles de revolver. C’est d’ailleurs à l'idolâtre criminelle que Keller donne la parole dans la seconde partie du roman, qui tente d’élucider les raisons de son acte. Acte libératoire, une fois encore, de l’amour qui rend abject et prisonnier. Et geste fondateur, comme il se doit, d’une nouvelle religion qui reposera sur la mort de son dieu. Par où Andy le somnambule rejoint le Christ à la Croix !

    Jean-Pierre Keller, Andy le somnambule, roman, l'Âge d'Homme, 2007.

  • Tanner fait son cinéma


     charles mort ou vif
    Nous n’allons pas, comme tant d'autres, nous lancer dans la polémique éternelle qui consiste à savoir s’il existe, aujourd’hui, en 2008, un cinéma suisse, et si ce dernier est, ou non, l’égal du cinéma suisse des années 70-80. Mais, pour ceux qui auraient la mémoire courte, il faut recommander la lecture des Ciné-mélanges* d’Alain Tanner.
    Ce n’est pas faire injure au cinéaste genevois (né en 1929) que de rappeler ses plus grands films : de Charles mort ou vif (1969), avec l’inoubliable François Simon, à Paul s’en va (2003), en passant par La Salamandre (1971), Le Milieu du monde (1974) ou encore le plus connu des films de Tanner : Jonas qui aura 20 ans en l’an 2000 (1976). En relisant le livre de Tanner qui, sous la forme d’un abécédaire, nous livre la somme de ses réflexions sur le 7e art, on ne peut qu’être admiratif devant l’obstination, le talent, la liberté farouche de cet homme qui a toujours pu tourner (qui s’est toujours donné les moyens de tourner) les films dont il avait envie. On sait que l’univers du cinéma est particulièrement impitoyable. Les plus grands talents s’y cassent les dents et s’y détruisent. Regardez Orson Welles ! À force d’intelligence et de ténacité, Tanner, lui, a tenu le coup. Et plutôt bien. Il suffit de regarder sa filmographie pour voir qu’il a enchaîné, presque sans interruption, les tournages tout au long de sa carrière, qui est longue et riche.
    Mais qu’est-ce que le cinéma selon Tanner ?
    « Je ne peux filmer que l’ «aujourd’hui », le « maintenant». Je ne peux filmer que ce que je peux voir et qui appartient au réel, au quotidien, au contemporain, au moment. Je ne peux trouver l’inspiration, l’idée d’un personnage ou d’un récit que dans ce qui m’entoure, dans ce qui participe de l’histoire que je vis. »  Proche en cela d’un Viala, Tanner a besoin du réel pour faire travailler son imagination. Il ne faut pas faire « comme si, mais comme ça ». Dans la vie, on fait souvent comme si : « on triche, on ment, c’est normal. Mais en art, on ne peut pas tricher. » Chaque film de Tanner illustre, à sa façon, cette insatiable quête de vérité. Un parcours exemplaire.
    Alain Tanner, Ciné-mélanges, Le Seuil, 2007. 

  • Faut-il se réjouir de l'indépendance du Kosovo?

    dessin de Patrick ChappatteFaut-il se réjouir de l'indépendance — autoproclamée, c'est-à-dire sans valeur — du Kosovo?

    Oui et non, comme toujours…

    Oui, parce que le peuple kosovar, comme tous les peuples du monde, a droit à l'indépendance et à l'autodétermination. Oui, aussi, parce que ce peuple, qui a souffert, comme les autres peuples des Balkans, d'un interminable conflit à la fois stratégique, ethnique et religieux, a le droit de réclamer un territoire et de fonder un état. Oui, enfin, parce que la situation pathétique de cette région doit un jour trouver une solution, ne serait-ce que pour redonner espoir aux populations sinistrées qui l'habitent.
    Mais ces raisons, si l'on admet leur pertinence, ne sont, et de loin, pas suffisantes.
    Non, un État, aussi estimable soit-il, ne peut tout simplement pas proclamer sa propre indépendance en violant les différentes résolutions de l'ONU qui stipulent que le Kosovo est, et restera, une province de la Serbie. Non, ensuite, parce qu'un État sans frontières, ni armée, ni police indépendante, ni réseau de communication, ni économie autarcique, n'existe tout simplement pas, malgré les émouvantes velléités d'indépendance de ses habitants. Non, enfin, parce que ce n'est pas en manifestant sur la place publique et en agitant des drapeaux qu'un peuple acquiert, aux yeux du monde, une reconnaissance officielle.
    En reconnaissant dans l'urgence le nouvel État autoproclamé, certains pays européens ont commis une erreur lourde de sens. Quand la Corse ou le pays basque français feront, à leur tour, une crise de prurit indépendantiste, ce n'est pas l'inénarrable Dr Kouchner qui règlera le problème (à moins qu'il n'y ait des caméras devant lesquelles il pourrait se montrer). Idem pour l'Ulster, la Flandre, Chypre, la Bretagne, et tant d'autres régions impatientes d'en découdre avec le pouvoir central. Sans parler de la Padanie chère à la Lega du Nord qui ne rêve que de proclamer son irréductible indépendance…
    Il sera intéressant, dans ce contexte, d'entendre la réaction de Micheline Calmy-Rey qui a, sur la question du Kosovo, déjà mis elle-même le feu aux poudres en déclarant, sans consulter personne, qu'il fallait reconnaître le nouvel État. Excellente ministre des Finances à Genève, Micheline Calmy-Rey multiplie, à Berne, les bourdes les plus monumentales. Gageons que cette fois, si elle persiste dans l'erreur, son inconscience sera une faute que la Suisse risque de payer très cher, et pendant très longtemps.
    Lien permanent Catégories : badinage