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  • Cinéma central

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    Au début de l’année, un nouveau cinéma a fermé ses portes à Genève. Le Central, rue Chantepoulet. C’était le cinéma de mon quartier. Une véritable institution. Il diffusait des films français, italiens, suisses bien sûr. Des films qu’on ne voyait nulle part ailleurs. Il a fermé ses portes discrètement. Pas un mot dans la presse ou à la télévision. Un magasin de mode l’a déjà remplacé.

    Avant lui, il y a eu le Plaza, le Cinébref, le Hollywood, le Broadway, etc. En une vingtaine d’années, Genève a perdu une dizaine de salles de cinéma. Bien sûr, elles ont été remplacées par des salles Multiplex, où l’odeur écœurante du pop-corn et des nachos vous saisit à la gorge dès que vous franchissez la porte. Il se dit, par ailleurs, que ces salles multiples vont mal, elles aussi, qu’elles ne sont pas rentables et que bientôt, sans doute, elles laisseront la place à d’autres magasins de fringues ou de chaussures de luxe. Le cinéphile (vous, moi) en sera réduit à acheter des DVD (ou à télécharger les films sur le Net pour pas un rond), puis à les visionner chez lui. Il ne sera plus obligé de sortir de son salon pour aller au cinéma.

    Si l’on n’y prête garde, la même catastrophe va bientôt arriver aux livres et aux librairies qui les défendent. Déjà, depuis 2000, plus d’une trentaine de librairies ont disparu de Suisse romande. Avec leur disparition, ce n’est pas seulement le marché qui se rétrécit et s’appauvrit un peu plus chaque jour. Ce sont aussi des lieux de rencontre et d’échange qui disparaissent. Des oasis d’humanité, au milieu du désert mercantile, où règne encore (mais pour combien de temps ?) la diversité des voix, des styles et des points de vue. Le débat. La controverse. L’admiration. La passion de partager. Une richesse unique, qu’aucun supermarché ne peut offrir, faute d’accorder au livre la place qui est la sienne et qu’il mérite (ce n’est pas un parfum, ni un baril de lessive).

    Il faut se battre pour que notre pays, qui a l’un des plus beaux réseaux de librairies du monde, puisse conserver cette richesse incomparable. Ce n’est pas anodin. Le livre est le fondement de notre culture, comme de notre identité. Il a traversé toutes les époques et gagné bien des guerres. Au fil du temps, il s’est transformé, passant du papyrus au parchemin, puis au papier. C’est le compagnon idéal des virées en montagnes comme des promenades solitaires. Quand on lit on est seul, et pourtant on est une multitude de personnages !

    Défendre les librairies, c’est défendre le livre. Et défendre le livre, c’est défendre la diversité, la richesse des cultures, le fond inaliénable d’humanité qui nous relie les uns aux autres (et que les grands défenseurs du Marché, aveugles ou naïfs, aimeraient tant voir disparaître).

    Voilà pourquoi, le 11 mars prochain, il faut soutenir l’initiative pour le prix unique du livre. N’oublions pas qu’un livre vient de loin, parfois même très loin, pour nous parler, nous consoler, nous faire pleurer ou rire. Ni surtout qu’un livre rend libre.