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affaire stern

  • La Justice en spectacle

    images-1.jpegPeu d’affaires ont autant défrayé la chronique judiciaire (et mondaine) que l’affaire Édouard Stern. Inutile de rappeler les faits : ils inondent les pages des quotidiens et des hebdomadaires, submergent les radios, prolifèrent sur les blogs et sont livrés par tranches, en feuilleton, sur toutes les chaînes de télévision. L’affaire a même inspiré plusieurs livres : l’enquête fouillée de deux journalistes, Valérie Duby et Alain Jourdan (Mort d’un banquier, éditions Privé, 2006) et pas moins de quatre romans : Latex de Laurent Schweizer (Le Seuil, 2008) ; Les Orphelins d’Hadrien Laroche (Allia, 2008), Comme une sterne en plein vol de Julien Hommage.
    Ce qui frappe dans le parfait quadrillage de l’affaire (pour ne pas dire matraquage), c’est que les faits, dorénavant, sont connus de tous. Les moindres détails ont été révélés au public ; l’emploi du temps des deux protagonistes, Cécile B. et Édouard S., reconstitué heure par heure, sinon minute par minute ; chaque parole, chaque regard et chaque geste avéré.
    La vie la plus intime est ainsi exhibée sur la place publique : c’est le triomphe de la société de spectacle chère à Guy Debord.
    Le plus étrange, on s’en doute, c’est que l’affaire S., comme toute affaire judiciaire, est couverte par ce qu’on appelle le secret de l’instruction. Autrement dit : l’obligation faite à toutes les parties (avocats, partie civile, témoins, etc.) de ne rien révéler de l’affaire avant l’ouverture du procès.
    Jugez du résultat !
    Constamment sollicités par les médias friands de révélations, les avocats des deux parties se sont répandus en déclarations péremptoires. Avec son panache habituel, Me Bonnant, défenseur de la famille Stern, a parfaitement joué son rôle d’avocat outragé ; en face de lui, Me Maurer, défenseur de Cécile B., a contre-attaqué avec vigueur. Quant au procureur Zappelli, il a clamé sur tous les tons qu’il ne pouvait rien dire… Mais que l’affaire ne relevait ni d’un complot, comme certains voulaient le faire accroire, ni d’un règlement de comptes, bien au contraire…
    À l’heure où s’achève à Genève le procès, tout semble donc déjà scellé, sinon par un accord tacite entre les parties, du moins par un filtrage savant des informations diffusées à la presse. On connaît la victime : Édouard S. On connaît la coupable : Cécile B. On connaît le mobile : l’argent.
    Certes, le tribunal est un théâtre qui fait toujours la part belle aux grands rôles comme aux modestes figurants, aux belles paroles comme aux effets de manche. Mais quand la Justice se donne ainsi en spectacle, quand elle devient l’emblème ostentatoire de la société de spectacle, on est en droit de s’inquiéter.
    Dans ce théâtre de marionnettes, qui manipule qui ? La presse qui déballe tout (mais qui fait son travail) ? Les avocats qui bluffent  ? L’inculpée qui simule (ou non) la folie ? Ou l’opinion publique toujours avide de scoops et de jugements à l’emporte-pièce ?
    Au fond, la question que ravive le traitement médiatique de l’affaire Stern est toujours la même : à qui, dans notre société saturée d’images et d’informations, profite le spectacle ?