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Ecrivain de la comédie romande - Page 166

  • Le film le plus bête de l'année

    images-1.jpegC'est un film un peu lent qui cherche son genre, son rythme, son sens. On y traverse l'Histoire en TGV ou en hélicoptère : tout commence à Paris dans les sixties (charmante évocation du look de ces années-là), puis on file à Prague, puis retour à Paris, avant de partir pour le Canada. Est-ce une comédie romantique ? Un drame ? Une comédie musicale ? Le réalisateur, Christophe Honoré, semble hésiter entre Jacques Demy (Les parapluies de Cherbourg) et Milan Kundera (L'Insoutenable légéreté de l'être) sans jamais prendre lui-même parti. On retrouve, dans ce chassé-croisé amoureux, la blonde Ludivine Sagnier en délicieuse nunuche, l'imposante et glaçante Catherine Deneuve. sa fille Chiara Mastroianni, Louis Garrel, etc. images.jpegLes meilleures moments du film mettent en scène la confrontation, très psy, entre la mère et la fille, avec un mélange d'incompréhension et d'émotion à fleur de peau. Il faut dire que la fille se cherche, comme le film, entre les amants de passage. Jusqu'à s'éprendre d'un batteur gay et séropositif, dont elle veut à tout prix un enfant (!). On le voit : Christophe Honoré n'a pas peur de pousser le bouchon trop loin. Et la scène d'amour finale, au lieu d'être bouleversante, est simplement grotesque.

    Deux bonnes surprises, pourtant : la présence du réalisateur tchèque Milos Forman, qui joue dans le film le (premier) mari de Madame Deneuve-Chanel. Il est épatant ! Et, en guest star, le chanteur Michel Delpech, qui ne chante pas, mais interprète le second mari de la dame oxygénée. A ce propos, le film est agrémenté de chansons qui rappellent Serge Gainsbourg, tant par la musique que par le texte. Hélas, ces chansons sont interprétées par les comédiens eux-mêmes, qui chantent faux et semblent chercher un sens aux paroles qu'ils ânonnent. N'est pas Nicole Kidman ou Catherine Zeta-Jones (ou Marilyn) qui veut !

  • Un chien ne fait pas le bonheur

    images.jpgIntituler son livre Best-seller*, il fallait oser! Et Isabelle Flückiger — l'une des plumes les plus libres et impertinentes de la littérature romande — l'a osé, dans un conte à la fois tendre et drolatique.

    Petit rappel : Isabelle Flückiger (née en 1979) a déjà publié trois livres, fidèlement chroniqués sur ce blog : Du Ciel au ventre **, Se débattre encore *** et L'Espace vide du monstre****. Si le premier racontait les tribulations érotiques d'une jeune femme en rupture, qui va s'éclater à Paris avec une copine délurée, le second montrait une autre facette, plus philosophique, de la jeune écrivaine fribourgeoise. Quant à L'Espace vide du monstre, il faisait se croiser plusieurs destins, fragiles, inaccomplis, chacun lançé dans une course au bonheur un peu désespérée.

    On retrouve ces thèmes, bien sûr, dans Best-seller. En particulier ce vide qui menace d'engloutir à chaque instant les fragiles personnages de ce roman, qui ressemble à un conte. Un prof contesté, voire méprisé, par ses élèves. Une jeune femme travaillant pour une galerie de peinture, menacée, quand la « conjoncture » est difficile, de perdre son emploi. Et Saïd, un requérant d'asile kurde, vivant dans l'angoisse d'être renvoyé en Turquie.

    Voilà pour l'arrière-fond du roman. Mais il manque le personnage principal. Un petit animal au pelage noir et blanc (comme un livre), vif et indiscipliné, qui déboule un jour dans la vie passablement routinière du couple que forment Mathieu et sa jeune amie. Sans crier gare, Gabriel (c'est le nom du chienchien), comme dans un jeu de quilles, vient tout bouleverser. Est-ce un signe du Destin ? Un coup de chance (ou de malchance) ? Gabriel est-il cet ange qui vient apporter la bonne nouvelle, et permettre enfin au couple plan-plan de sortir un peu du vide dans lequel il s'enlise (sans en être conscients) ? C'est la force (impertinente) du roman d'Isabelle Flückiger de poser ces questions. Sans lourdeur. Ni prétention.

    Un chien perdu, puis adopté, peut-il sauver ses nouveaux propriétaires, surtout quand ils sont jeunes et « pleins de promesses » ? Peut-il leur insuffler cette soif de liberté qui manque si fort à leur existence ? Toutes ces questions prolongent, en quelque sorte, celles initiées dans le livre précédent d'Isabelle Flückiger. Mais ici elles sont admirablement posées. Avec ce zest d'humour et de dérision qui les rend plus profondes. Incontournables, comme on dit. Il y a de la légéreté et du désespoir, de l'ironie et de la douleur, dans ces pages qui filent à la vitesse du plaisir qu'on en éprouve à la lecture. Parfaitement construit, tenu d'un bout à l'autre, écrit dans une langue à la fois souple et précise, Best-seller mérite bien des éloges. Et même le titre qu'il porte.

    * Isabelle Flückiger, Best-seller, éditions faim de siècée, 2011.

    ** Du Ciel au ventre, roman, l'Âge d'Homme, 2003.

    *** Se débattre encore, roman, l'Âge d'Homme, 2004.

    **** L'Espace vide du monstre, roman, édition de l'Hèbe, 2007.

     

  • L'amour est insulaire

    DownloadedFile.jpegC’est l’un des livres les plus intrigants de la rentrée. Son titre : Les Îles*. Son auteur : Philippe Lançon, accessoirement critique littéraire à Libération. Dans ce roman, dense et labyrinthique, qui flirte avec l’autofiction, Lançon retrace la folie d’une femme qu’il a aimée. De Jad la folle, son enquête l’entraîne de femme en femme, et d’île en île. Comme l’amour, la folie est contagieuse. Et insulaire. Entretien.

     

    Raconter la folie d'une femme (Jad) : tel est le projet du livre. Pourtant, dès les premières pages, cette folie paraît toucher, par contagion, les autres personnages : Ali, Jun et, bien sûr le narrateur, qui navigue entre ces îles…

    — Elle les touche, en effet — chacun à sa façon et selon son caractère. J'espère que le récit est une juste rétribution. Il devrait l'être en tout cas.

     

    — Comment avez-vous construit votre livre ?

    En commençant par le premier chapitre et en finissant par les chapitres sur la "descente" de Jad. J'ai écrit le prologue et l'épilogue chemin faisant.images.jpeg

     

    On voyage beaucoup, dans votre livre, entre les femmes qui sont des îles et qui semblent détenir, pour le narrateur, les secrets de l'amour et de la folie. L'homme est-il condamné à cette errance en mer ? A ne jamais toucher une terre stable ?

    — J'ignore à quoi l'homme est condamné. Le narrateur ne détient aucun secret. C'est une conscience molle, dépressive, dont les errances et tourbillons ne sont bons qu'à accueillir les autres, sous forme de paysages, de scènes ou de portraits.

     

    Votre livre est semé de formules, sentences ou maximes qui font penser à La Rochefoucauld. Quelle est le rôle de ces « sentences » ?

    Suspendre le récit. Lui donner, à certains moments, certaines couleurs (plutôt sombres). L'alourdir aussi, en faire trop : ne pas lui épargner les vices, les excès, la prétention. Et rendre hommage, entre autres, à La Rochefoucauld. Hommage naturellement honteux, pastiche et postiche.

     

    Vous sentez-vous davantage moraliste ou romancier ?

    Je ne me pose pas cette question. Je ne me sens rien. J'écris.

     

    Est-ce que Jad a lu votre livre ? Si oui, qu'en a-t-elle pensé ?

    Jad n'existe pas (dans le monde réel). Celle qui l'a — en partie — inspirée n'a pas davantage lu le livre que Jad ne l'a fait, dans le livre.

    Propos recueillis par JMO

    * Philippe Lançon, Les Îles, roman, édition Lattès, 2011.