Disons-le franchement : peu de monde, à Genève et ailleurs, regrettera le prochain départ d'Anne Bisang de la Comédie, tant il semble flotter à present dans ce théâtre autrefois vivant et joyeux une atmosphère de fin de règne.
En quelques années, les abonnements ont chuté de moitié. Quant aux entrées, elles ont suivi la même pente désastreuse que celle des abonnements : 50% d'entrées payantes en moins…
Bien sûr, il ne faut pas juger de la qualité d'un théâtre uniquement au nombre d'entrées. Pourtant, non loin d'ici, un théâtre comme celui de Vidy, dirigé de main de maître par René Gonzalez, généreux dans son offre et toujours bondé, montre à qui veut le voir que l'on peut très bien concilier spectacles de qualité et fréquentation importante, créant plus souvent qu'à son tour l'événement. Au point de devenir, au fil des ans, l'un des théâtres de référence de la francophonie…
Rien de tel, hélas, à la Comédie, où le théâtre, sous la férule de sa directrice Anne Bisang, est devenu triste et solitaire. Preuve en est son dernier spectacle, Katharina, d'après Heinrich Böll, qui ne semble pas enthousiasmer les foules.
Autre preuve d'une fin de règne, la publication d'un ouvrage entièrement consacré à la gloire de la maîtresse des lieux, comportant photos couleurs et articles de complaisance. Ouvrage de commande qui, par son propos autocélébratif et son coût exorbitant (50'000 Frs quand même !), a fait tousser quelques magistrats en haut lieu. Si l'on veut ériger sa statue, et passer à la postérité, autant le faire soi-même !
Après l'âge d'or de Benno Besson (ah ! L'Oiseau vert ! Ah ! Dom Juan avec Carlo Brandt !), il y a eu l'âge d'argent de Claude Stratz, qui n'était pas si mal que ça (ah ! L'École des mères et Les acteurs de bonne foi ! de Marivaux). Aujourd'hui, nous traversons l'âge de bronze, celui qu'a instauré Anne Bisang, dont peu de souvenirs, hélas, resteront vivants et joyeux dans nos mémoires.