Pascal Louvrier aime les monstres. Après Gérard Depardieu, le « monstre innocent », l'énergumène, le voyou de Chateauroux, après Brigitte Bardot, Amy Winehouse, Françoise Sagan ou encore Georges Bataille, il s'attache aujourd'hui aux pas de Fanny Ardant, l'une des actrices les plus mystérieuses du cinéma français. Sa biographie — documentée, précise, empathique — se lit comme un roman. Et d'ailleurs c'est un roman puisqu'à la vie (passionnément) rêvée de Fanny Ardant, femme amoureuse, Pascal Louvrire entremêle sa propre histoire, ce qui donne à son livre une profondeur et une vérité assez rares.

L'amour est au centre de cette réflexion sur le cinéma, la littérature et la vie. On connaît les vrais débuts de cette actrice incandescente, grandie à Monaco, dans l'ombre de Grace et de Rainier, puis montée à Paris : c'est le film de François Truffaut, La Femme d'à côté, avec Depardieu justement. Un amour impossible et tragique. « Ni sans toi, ni avec toi ». Cette double rencontre sera déterminante. Depardieu restera « le soleil autour duquel tourne » Fanny Ardant. Et le réalisateur fera de cette actrice inconnue sa muse, au moins pour deux films. L'autre film sera Vivement dimanche, génial polar en noir et blanc où Fanny, secrétaire indomptable, cherche les preuves qui sauveront son patron (Jean-Louis Trintignant) des accusations de meurtre qui pèsent sur lui.

Mais on sait que Truffaut, souffrant d'une tumeur au cerveau, décédera peu après la sortie du film, en octobre 1984, à 52 ans, et peu après que Fanny aura accouché d'une petite fille, qu'il connaîtra à peine. Fanny Ardant mettra plusieurs années à s'en remettre. 

« Pourquoi durer serait-il mieux que brûler ? »

Ce pourrait être le mot d'ordre de cette comédienne toujours surprenante, singulière, au jeu un peu décalé et au physique si particulier : à l'amour, chacun brûle ses ailes. Brûlure délicieuse et tragique. Fanny Ardant aura vécu plusieurs histoires d'amour (elle a trois filles de trois pères différents) et elle y a survécu. Même si les cicatrices sont profondes. Comme pour Pascal Louvrier, l'homme rompu, qui ne se remet pas du départ de Raphaella. 

C'est un beau livre qu'il nous donne là, et une manière de confession. Fanny Ardant, cette femme amoureuse, est à la fois toute proche et inaccessible. Pour l'atteindre, il faut tresser des mots vrais — et des mots amoureux. Pascal Louvrier y parvient, car il sait que pour écrire un (bon) livre, il faut « mettre son cœur et ses tripes sur la table », comme dirait Céline. Ce qu'il fait à chaque page, avec un peu de nostalgie et beaucoup d'amour.

* Pascal Louvier, Fanny Ardant, une femme amoureuse, TohuBohu éditeur, 2022.