Actuellement, sur les (grands) écrans, il y a un film à ne pas manquer : Les Illusions perdues, de Xavier Giannoli, avec Cécile de France, Jeanne Balibar, Vincent Lacoste, Gérard Depardieu et Benjamin Voisin dans le rôle principal de Lucien de Rubempré. Un film de facture très classique, bien construit et formidablement interprété par une belle équipe de comédiens.
Ce n'est pas la première fois que le roman de Balzac est porté à l'écran. Il en existe déjà plusieurs versions. Et l'on comprend pourquoi : à travers la fable d'un jeune provincial (Lucien de Rubempré) montant à Paris pour réaliser ses ambitions, Balzac nous livre une satire sociale sans concessions. Les journalistes (corrompus), les comédiens (méprisés), les politiques (des girouettes) : tout le monde, ou presque, en prend pour son grade dans ce portrait au vitriol d'une société décadente (la Restauration) qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la nôtre. Une noblesse jalouse de ses privilèges (une assez pâle Cécile de France). Des gratte-papiers ambitieux et cyniques (excellent Vincent Lacoste). Un agitateur de cabale (Jean-François Stévenin) qui se vend au plus offrant. Le pouvoir absolu des canards. (il y a d'ailleurs dans le film une vraie basse-cour qui se promène en liberté dans les bureaux). Le succès qui s'achète, mais bien sûr entraîne dans la ruine le petit provincial ambitieux et naïf.
Si le film est aussi réussi, deux heures d'un spectacle jouissif et édifiant, il le doit aux comédiens, tous impeccables. Il le doit aussi au réalisateur, Xavier Giannoli, qui met en scène cette danse macabre avec finesse et drôlerie. Mais il le doit surtout au scénariste, un certain Honoré de Balzac, qui donne le ton, la couleur et le sens profond du film. Une fois de plus, l'écrivain est en avance sur son temps : son présent (le roman, en trois parties, a été publié entre 1837 et 1843) est le nôtre : il nous regarde avec une stupéfiante actualité. La profusion des canards (le premier nom des fake news — des fausses nouvelles). Les cabales. La manipulation de l'information. La corruption. Les vilénies politiques. Etc.
Il faut aller voir ce film, non seulement pour ses très grandes qualités artistiques, mais aussi pour ce qu'il est en fin de compte : un magnifique hommage à la littérature.