D'un voyage dans l'archipel portugais des Açores, en 2015, Anne-Sophie Subilia a rapporté une sorte de journal poétique, diffracté, émietté, publié par les belles éditions Empreintes sous le titre énigmatique d'abrase*. Au fil des jours, des promenades dans la nature sauvage, l'auteure cherche à colliger les éclats de son être sans cesse menacé de disparition (on retrouve ici un thème cher à Sylviane Dupuis, qui fut son mentor à l'université de Genève).
Pour vaincre cette menace, et briser le silence, pas d'autre recours que le langage, avec ses failles et ses limites.
« dehors/ debout/ la bouche grenade/disant rien/ ne pouvant rien/ dire
dans les murets se cache/ la forme brûlante/ de leurs questions »
Dans cette solitude première, on sent l'appel de l'autre, toujours absent, dont il ne reste qu'une image ou un parfum.
« ce qui existe
les paysages/ les prairies illuminées/ l'enfoui
temps froissé/ commetabac
ce parfum/ sur nos doigts
tenir une image transparente »
Scandé en huit parties, ce long poème de l'émiettement cherche son centre, comme l'être qui traverse le temps fait de ruptures et de désir, de douleur et d'espoir. Avec ses mots minimalistes, l'auteure parvient à rendre compte de l'érosion de l'être.
C'est ainsi qu'il faut comprendre le titre énigmatique, abrase*, qui dit l'usure et les blessures de ce cheminement singulier.
* Anne-Sophie Subilia, abrase, éditions Empreintes, 2021.