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L'imposture de la terreur (Christophe Gaillard)

gaillard_1ere.jpgToute révolution est-elle condamnée à finir dans le sang et les larmes ? Et pourquoi tant de haine, de massacres, de terreur ? Ces questions sont au cœur du roman de Christophe Gaillard, La Glorieuse imposture*, sans conteste l'un des livres les plus forts et les plus aboutis de ce début d'année. 

L'auteur (né en 1958) enseigne au Collège de Saint-Maurice et n'en est pas à son coup d'essai (il a déjà publié quatre livres aux éditions de l'Aire). Dans son dernier roman, sous-titré « Madrigal spirituel », il déploie toute sa verve et son talent. Son ambition aussi : il s'attaque à cette période maudite de l'histoire de France qui dura exactement 10 mois (1793-1794) et qu'on appelle la Terreur. Comme on sait, la Révolution de 1789, symbolisée par la prise de la Bastille, fit relativement peu de victimes. Le bain de sang débuta en 1793 avec la Terreur — et l'usage intensif de la machine à raccourcir, autrement dit la guillotine. 

C'est l'été 1794, quelques jours avant la chute de Robespierre et la fin de cette parenthèse sanglante qui coûta la vie à des dizaines de milliers d'innocents. Saint Lazare cour 1789 hubert robert.jpgNous sommes à Saint-Lazare, une ancienne léproserie devenue une prison où s'entassent les suspects de tous bords (artistes, écrivains, aristocrates, religieuses, etc.). Dans cette petite société des bannis (promis à une mort certaine), il y a un poète, André Chénier, dont certains vers ont déplu aux jacobins au pouvoir. Gaillard retrace avec talent les derniers jours du poète qui attend la charrette funeste et croise, dans sa prison, les peintres Suvée et Hubert Robert (qui peignit la cour de la prison sous la terreur, cf. illustration), le poète Roucher, la mère abbesse de Montmartre et la belle Aimée de Coigny. Il y croisera également d'autres personnages dont le divin marquis de Sade, qui échappera par miracle à la guillotine. C'est l'occasion, pour Gaillard, de fantastiques portraits, vivants et colorés, de ces figures marquantes de la Révolution. Sa verve se déploie pour évoquer Marat et Charlotte Corday, Olympe de Gouges ou Robespierre, Danton ou le peintre collabo David (il dénonça son collègue Hubert Robert).

Unité de temps, de lieu et d'action : Gaillard ne perd jamais de vue l'essentiel, la vie de son poète condamné à une mort injuste. Il cite longuement ses vers, célèbre sa musique, son amour de la Grèce et de Rome, ses rêveries pastorales. En même temps, il souligne l'incroyable imposture de cette révolution qui se rêve citoyenne et finit par devenir une dictature sanglante. Comment en est-on arrivé là ? Qui a trahi les idéaux révolutionnaires ? Là aussi, s'appuyant sur une riche documentation, Gaillard éclaire l'histoire et en démonte les ressorts. Il rend hommage au poète Chénier et nous livre une fresque impitoyable de ces dix mois terrifiants. 

Un dernier mot sur l'écriture, fastueuse, de Gaillard : à la fois madrigal, enquête historique, ode à la poésie, son livre est un régal et une fête de la langue. 

A ne pas manquer !

* Christophe Gaillard, La glorieuse imposture, éditions de l'Aire, 2021.

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