La question est toute simple, mais personne ne l'a posée jusqu'ici. Ce n'est pas : comment survivre à la femme qu'on a aimée (et tuée) ? Mais plutôt : que faire, quand on a été un chanteur à succès et qu'on sort de prison ? Quelle autre vie commencer ?
Ces questions, Bertrand Cantat se les est posées. Il y a même répondu : après la meurtre de Marie Trintignant et ses années de taule, après le suicide de sa femme, il retourne au turbin. Il essaie de reformer son groupe mythique. Mais les autres musiciens ne veulent plus de lui. Alors il trouve d'autres comparses, qui sont d'accord de l'accompagner. Son nouveau groupe s'appelle Détroit — traduction française de Dire Straits (sic). Et, cette semaine, il sort son nouveau disque.
Les réactions des « professionnels » sont édifiantes : certains estiment qu'il ne faut plus parler de Cantat, parce qu'il a tué et trahi ceux qui l'aimaient. On n'a plus le droit d'écouter sa musique. Censure, donc. On ne passera pas son disque.
Les autres se la jouent plus finement : on parle de son disque, mais pas de Cantat. C'est une affaire réglée. Il a payé sa dette à la société. On passera son disque, si les chansons sont bonnes, mais plus un mot sur la tragédie de Vilnius…
Le drame, c'est que les nouvelles chansons de Cantat sont mauvaises (je ne dis pas nulles). Grimace des programmateurs. On ne passe que de la bonne musique. Et Cantat n'est pas bon.
Au final, recensure, donc, mais pour d'autres raisons. Plus avouables…
En d'autres termes, on n'aura peu l'occasion d'écouter ses chansons à la radio (et je ne parle pas de la télévision) ou dans les médias officiels.
N'est-ce pas, finalement, la stratégie subtile de sa maison de disques ?
Transformer le bourreau (de deux femmes) en victime (de la censure des médias) ?
En tout cas, cette stratégie est en train de gagner.
Et le bourreau, subrepticement, reprend les habits de l'artiste maudit qu'il rêvait d'être à ses débuts.